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Dans les diagonales du temps
14 mai 2021

SON FRERE un film de Patrice Chéreau

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France, 2003, 1h 40mn

Réalisation : Patrice Chéreau, scénario : Patrice Chéreau, Anne-Louise Trividic d’après le roman de Philippe Besson, image : Eric Gautier, son : Guillaume Sciama, montage : François Gédigier, costume : Caroline de Vivaise

Avec : Bruno Todeschini, Éric Caravaca, Maurice Garrel, Catherine Ferran, Robinson Stévenin, Antoinette Moya, Fred Ulysse, Nathalie Boutefeu, Sylvain Jacques, Pascal Greggory



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Résumé

Alors qu’ils ne se voyaient plus depuis plusieurs années, Thomas, l’ainé rend une visite inopinée à son frère, Luc, pour lui demander de l’aider à affronter la grave maladie dont il est atteint. Le film nous fait vivre la rédemption de Thomas par la maladie et la découverte de l’amour fraternel par les deux hommes jusque là séparés par le favoritisme dont avait bénéficié l’ainé et l’homosexualité du cadet.


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L’avis du critique

"Son frère" commence bien, par une audace cinématographique : un long monologue, face à la mer, pour être plus précis devant la côte sauvage du Croisic, dit par un des plus beaux veillard du cinéma français, Maurice Garrel. Ce personnage dont on ne saura que peu de choses, reviendra plusieurs fois, apportant une aération à la relation étouffante entre les deux frères. Dans cette première scène, comme dans toute son œuvre, Chéreau revendique son héritage théâtrale pour en faire un objet éminemment cinématographique dans son film le plus naturaliste.


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Dans naturaliste il y a naturel, et ici les acteurs sont doublement nus, sans maquillage et  souvent montrant la nudité de leur corps. C’est avec évidence que le réalisateur montre le sexe de ses acteurs quand celui-ci n’est plus objet de désir, mais morceau oublié du corps souffrant. Pourtant dans ces abandons, dans cette douleur, l’érotisme est présent comme il l’est dans bien des descentes de croix des peintres de la renaissance... Il y a du Montegna dans le Chéreau de "Son frère" qui érotise avec tact les corps malades. Grand plaisir des yeux et des sens que de découvrir au coin d’un cadre, toujours très étudié, le torse tatoué du jeune voisin de chambre d’hopital de Thomas. Une des scènes les plus émouvantes et les plus sensuelles  est la rencontre, au détour d’un couloir de l'hopital entre Luc et un adolescent (Robinson Stévenin, troublante résurrection du jeune Pierre Clémenti) « ouvert comme un poisson » ce dernier montrant  à Luc sa couture avec la même volupté pudique que s’il lui faisait découvrir son sexe.



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Très belle image sensuelle aussi que celle de luc et de son ami enlacé nus sur leur lit. On a un peu de mal à reconnaître dans cet ami Sylvain Jacques, le Tadzio brun de "Ceux qui m’aime prendront le train". Le temps l'a défait avec délicatesse...  Nous découvront son émouvante nudité, montrée avec évidence. Rarement la nudité dans le couple aura été montré avec autant de vérité et de simplicité. La caméra est presque toujours très près des acteurs, peu de plans larges, les suivant avec fluidité grâce au steadycam.
Le cinéaste définit ainsi le thème de son film : << Le sujet du film ce n’est pas la maladie; mais un homme qui découvre que toute sa vie était basée sur un mensonge, sur une force présumée, qui finalement n’est pas là. Il n’a pas la volonté de décider d’en finir, ni de se battre. C’est ce qui arrive quand une personne d’un narcissisme énorme est atteinte physiquement…C'est un film sur les corps et sur la manipulation d'un corps en particulier. C'est un film sur les peaux, sur la dégradation d'un corps qui était sans doute très actif et qui, là, est contraint de se laisser manipuler. Il devient passif et abandonné, on le regarde, on le compare aux autres corps, ceux qui sont en bonne santé.>>

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C’est un vrais tabou qu’aborde le cinéaste, le désir sexuel du malade, de celui qui se sait condamner, de la dernière fois et le regard de l’autre face à ce corps qu’il ne reconnaît plus et qui n’éprouve plus qu’un mélange de répulsion et de pitié à la place du désir d’hier. C’est tout cela qui passe dans le regard d’Alice (Nathalie Boutefeu) la compagne de Thomas.

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Si tous les comédiens sont admirables, Chéreau a convoqué sa troupe,  Pascal Gregorry fait une apparition la grande réussite du film doit beaucoup aux deux comédiens principaux, Eric Caravaca, terrien, un peu gauche à mille lieu du cliché du gay urbain, et Todechini, christique, pour qui la maladie rédemptrice lui fera découvrir l’autre.

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Il faut dire que que le scénario leur offre des personnages très riches. Luc souffre de la désaffection de ses proches à cause de son homosexualité, mais presque comme d’autres pourraient en souffrir pour d’autres raisons.

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On sort bouleversé de ce film aux images parfois très dures, comme celles de  la préparation pour l’opération, le  rasage du corp de Thomas en temps réel. Les scènes se déroulant à l’hopital sont traitées comme dans un documentaire alors que le moindre costume, cadrage sont choisis avec beaucoup de soin. C’est la grande force de Chéreau de nous faire croire que son cinéma est naturalisme, alors qu’il est le comble du construit, du concept; de cette confrontation il fait naitre l’émotion.

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Ce très grand film était au départ destiné à la chaine de télévision Arte. Chéreau s’est complètement approprié cette commande de l’adaptation du roman éponyme de Philippe Besson qui lui permet aussi de représenter également très finement l’homosexualité. Chéreau a modifié le livre dans lequel c’était le frère cadet, et le plus doué, qui mourrait. Autre différence importante, dans le livre il s’agissait de retrouvaille les frère s’était aimé avant de s’éloigner l’un de l’autre alors que dans le film ils ne se sont jamais aimé ce qui rend l’engagement de luc envers son frère beaucoup moins évident et plus fort. Philippe Besson, ravis de cette trahison déclara : << Chereau m’a trahi et je le félicite. Bien sûr, nous avons accompli la même démarche à travers une histoire de frère, de mort et d’amour. Mais dans le film, on retrouve les propres histoires de Patrice Chéreau hanté par la mort d’Hervé Guibert et de Bernard-Marie Koltes. Certaines scènes absentes du roman sont inspirées par des photos de Guibert. Il avait besoin de parler de ses fantômes et "Son frère" est bien son film.>>. 

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Pour retrouver Patrice Chéreau sur le blog:

 

 

 

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