SOUNGOUROFF (1911-1982)
Soungouroff est né en Russie (certaines sources disent en 1911 alors que d'autres avancent la date de 1894) ensuite, il a immigré en Chine ; il a vécu dans un village près de Kharbin, et a parcouru tout le pays. En 1927-29 il a travaillé en tant qu'illustrateur pour un magasin russe « jeunesse » à Kharbin, produisant dans le même temps des peintures à l'huile de scènes de la vie folklorique chinoise. En automne 1933 ses travaux ont été montrés à la 1ère exposition art-ethnographique de la collection de KVZhD à Kharbin.
Au milieu des années 30, l'artiste partit pour la France, où il est devint connu pour ses portraits de beaux jeunes hommes, en particulier les habitants de Paris et des environs de Cannes (France du sud). En fait, Soungouroff a été connu principalement en tant qu'artiste gay qui a sans réserve traité des thèmes et des images concernant la vie et la culture gay (marin, légionnaires…). Il est devenu ami avec beaucoup d’artistes d’avant-garde, comme Jean Cocteau, Christian Bérard et Roger Peyrefitte. Il est mort sur la Cote d'Azur (France du sud) en 1982 (date incertaine).
Peintre fabuleux au début de sa carrière, de 1943 à 1965. Il est le peintre des très beaux visages de garçons, ses marins, ses gitans, ses spahis.... comme absents et lointains, traduisent son obsession. Malheureusement dans ses dernières années les virils marins et militaires se transforment en mièvres poulbots aguicheurs. A ce propos il faut être vigilant car certaines toiles de Jean Chiffoleau dit Géli, né en 1931, qui fut élève de Soungouroff, ressemblent aux moins bonnes de Soungouroff.
Le début de son oeuvre est présenté à Paris à la Galerie Bernhein (qui a édité en 1955 un catalogue sur le peintre). Ensuite, il part à Cannes et expose de nombreuses années à la Galerie 20.
Il s'éteint à Cannes en 1982. A Cannes qui fut autrefois une ville très gay, en un temps où il y avait de nombreux club de garçons, on pouvait voir au Zanzi bar les toiles de Soungouroff décorant les mur. Ses fresques très explicites étaient peintes sur les voutes de l'établissement. On peut imaginer qu'elles ont inspirées Jean Cocteau dans ses dessins, qui fut d'ailleurs un client assidu du Zanzibar. Cet univers de marins, décrit aussi par Genet dans Querelle de Brest, fait partie de la mémoire collective homosexuelle et reste très attaché à l'ambiance du Zanzibar, même si on n'y croise plus de marins depuis longtemps.
Dans les années 50, on y retrouve plutôt toute l'inteligencia homosexuelle parisienne et internationale. Avec Cocteau, Jean Marais mais aussi Andy Warhol, Jean-Claude Brialy, Georges Michael puis plus tard, les vedettes de la télé comme Yves Mourousi qui aimait mettre la main aux fesses à tous les garçons du bar. Dans les années 60 et 70, c'est "l'annexe gay" du Palais des Festivals. Les jeunes gens en quête d'un rôle au cinéma fréquentent l'endroit dans l'espoir d'y trouver leur pygmalion. Dans les années 80 l'ambiance y devient encore plus chaude et virile, impossible de rentrer certains soirs d'été tant il y a du monde. L'établissement est alors tenu par "Vickie", qui le cèdera à la fin des années 80 à Yves. A la fin des années 90, c'est Jean-Marie qui en prend la destinée. D'une constance exceptionnelle, dans les années 90 et 2000, ce bar est toujours gay. On y rencontre toujours de temps à autre des vedettes de passage comme Pierre Palmade ou Edouard Baer. Le Zanzibar est un endroit intemporel pourtant toujours en phase avec son époque.
Malheureusement en décembre 2010, Jean-Marie, après avoir tenté en vain de trouver un repreneur qui perpétuerait sa longue histoire gay, est contraint de vendre l'établissement. Le seul candidat à sa reprise va le transformer en glacier... Un soir d'hiver 2010 Cannes perd un de ses monuments. Le Zanzibar ferme dans l'indifférence générale. Il a peint les garçons tels qu'idéalisés par la mémoire collective homosexuelle : marins, pêcheurs, légionnaires sont ses sujets de prédilection.
Il aurait dessiné une série d'une vingtaine de cartes postales érotiques qu'il aurait vendues aux touristes gay visitant Cannes. Il a signé ces cartes que Yola (voir les deux reproduction en fin de billet).
Dans son roman "La petite Bijou" Patrick Modiano cite le nom du peintre: << Je m'étais assise à une table, pas très loin de la sienne. Moi aussi, j'avais commandé un kir, à haute voix, pour qu'elle l'entende, en espérant qu'elle verrait là un signe de connivence. Mais elle était restée impassible. Elle gardait la tête légèrement penchée, le regard à la fois dur et mélancolique, les bras croisés et appuyés sur la table, dans la même attitude que celle où on la voyait sur le tableau.
Qu'était-il devenu, ce tableau? Il m'avait suivie pendant toute mon enfance. Il était accroché au mur de ma chambre a Fossombronne-la-Forêt. On m'avait dit: « C'est le portrait de ta mère. » Un type qui s'appelait Tola Soungouroff l'avait peint à Paris. Le nom et la ville étaient inscrits au bas du tableau, sur le côté gauche. Les bras étaient croisés, comme maintenant, à cette différence près qu'un lourd bracelet à chaînons entourait l'un des poignets. J'avais là un prétexte pour engager la conversation. « Vous ressemblez à une femme dont j'ai vu le portrait la semaine dernière au marché aux puces, porte de Clignancourt. Le peintre s'appelait Tola Soungouroff. ».
Il y a quelques années la galerie parisienne "Galerie Au Bonheur du Jour" a organisé une belle exposition autour de la meilleure époque du peintre. On peut toujours acquérir des oeuvres de Soungouroff dans cette galerie.
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PORTRAIT DE CHARLES HATHAWAY |