Gregory Crewdson, An Eclipse of Moths à la galerie Templon
Auparavant lorsque l'on voyait les images de Crewdson on se demandait depuis combien de temps les martiens avaient débarqué dans ses photos d'extérieur ou lorsqu'il photographiait des intérieur où était caché le cadavre. Dans sa nouvelle série ce serait plutôt dans combien de temps les protagonistes vont se suicider.
Il a fallu deux ans au photographe pour élaborer les seize photos de sa nouvelle série "An eclipse of moth". Ce qui ne parait pas trop pour ce maitre de la mise en scène photographique pour concocter ses désespérants panoramiques. On songe au travail virtuose de repérage guidé par la présence d'un lampadaire, une fixette de Crewdson et au labeur de l'accessoiriste avec son camion plein de vieux téléviseurs, de caddys amputés et de frusques en fin de vie.
Chaque photo déploie sa vision désespérée de l'Amérique sur environ 2 mètre sur 1. Chacune raconte une histoire (même plusieurs que l'on pourra se raconter en se remémorant ces envoutantes images, des histoires de misère sous de beaux ciels. Plutôt que le titre poétique "An Eclipse of Moths" l'exposition aurait du s'appeler: Misère noire dans un bled paumé de Nouvelle Angleterre. Il est difficile en voyant ces images de ne pas penser à David Linch.
Vous voudrez bien excuser la médiocrité de mes photos, c'est toujours, outre que c'est un peu ridicule, une gageure de photographier des photographies d'autant qu'elles sont généralement sous verre, ce qui occasionne de nombreux reflets parasites. Plus que de reproduire les panoramiques de l'artiste, j'ai voulu quand la lumière le permettait, isoler des détails dans ces compositions qui demandent de s'attarder devant elles tant elles fourmillent de détails significatifs.
J'intitulerais bien cette photo dépucelage tardif.
L'artiste a donné une interview fort instructive et quelque peu en décalage avec ce que l'on voit dans l'exposition, dans le numéro de Transfuge daté de janvier 2021.
La photo immédiatement ci-dessus est ma préférée. Je la trouve encore plus "réjouissante" que les autres. Elle a été prise dans une annexe d'un cimetière où l'on remise les pierres tombales et autres caveaux lorsque la concession de la place de cimetière est arrivée à son terme et qu'il faut laisser la place à un nouveau défunt. On "relève" alors le corps et l'on fait le ménage. On y voit une jeune fille faire ses ablutions dans un ancien caveau rempli d'eau que l'on peut imaginer croupie, tandis que son petit ami (?) l'oeil morne se désintéresse de la scène. Un beau moment d'intimité.
J'ai réalisé toutes les photos sauf celles immédiatement ci-dessous qui est une capture d'écran
Paris, janvier 2021