Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Dans les diagonales du temps
8 octobre 2020

pour se souvenir des barbares au Palazzo Grassi à Venise

838_405120408-photo

 

 

 

Le principal but de mon escapade vénitienne était la découverte du Palais Grassi, nouveau haut lieu de la culture dans la lagune. Ce célèbre bâtiment qui appartenait à Agnelli, le patron de Fiat a récemment été acquis par l'homme d'affaire François Pinault pour y organiser des expositions temporaires. Il est dirigé par l'ancien ministre de la culture Jean-Jacques Aillagon. Sa riche collection d'art moderne investira la douane de mer, près de la Salute en juillet 2009, j'ai déjà pris date. Le palais Grassi a été inauguré il y a quelque mois en y présentant un florilège de la collection du maître des lieux. Mais c'est l'exposition Rome et les barbare dont la flatteuse réputation m'a incité à faire le voyage. Disons le tout de suite que sa réputation n'était pas usurpée. Je regrette seulement sa date bien tardive de publication de ce billet pour que des lecteurs puissent faire une démarche identique à la mienne.

22400777

 

220px-Grande_Ludovisi_Altemps_Inv8574_n8

Le grand sarcophage Ludovisi est un sarcophage romain du iiie siècle apr. J.-C. représentant une bataille entre Romains et Barbares.

 

 
C'est certainement l'exposition la plus agréablement pédagogique que j'ai vue depuis que j'use avec bonheur mes semelles dans les musées...
Son titre  n'est pas très bien choisi. Elle devrait plutôt s'intituler, de Jules César à Guillaume le conquérant puisqu'elle embrasse une période allant de la guerre des Gaules jusqu'à la conquête de l'Angleterre par les normands.  Plus qu'une exposition sur l'histoire d'une période, "Rome et les barbares" est une exposition d'un nouveau genre qui relèverait  plus de la sociologie historique. L'énorme quantité de pièces rassemblées sur les quatre niveaux de ce beau lieu où les salles tournent autour de l'atrium, illustrent quelques grands messages que veulent nous faire passer les organisateurs, d'abord la fragilité des empire et en même temps la permanence de leurs dessins repris par leurs successeurs, ensuite la diversité des influences qui ont fait le monde romain puis sa permanence mais aussi petit à petit sa dilution dans l'univers féodale du haut moyen âge. On y voit aussi cette Europe politiquement toujours à recommencer alors que toutes ses composantes ont bu aux mêmes sources ... Elle démontre surtout que le barbare antique n'était pas la brute épaisse que peut suggérer ce mot mais tout simplement pour un citoyen romain, l'autre...

Capture d’écran 2020-10-07 à 07

 

Casque Barbare 
Les commissaires n'ont pas choisi le spectaculaire, peu de belles pièces admirables autant pour leur valeur artistique que pour l'enseignement qu'elles apportent sur une période. Il faut tout de même citer cet exceptionnel masque en or de Marc Aurèle, ce totem phallique de cet homme se masturbant que vénérait les soldats goûts ou encore cet énorme pied en bronze trouvé très récemment, sans doute le seul vestige de la statue monumentale d'un empereur. Mais la plupart des objets présentés avec grand soin sont ceux de la vie quotidienne des époques traversées. Parfois, surtout vers la fin cela pourrait paraître répétitif, mais c'est justement pour nous montrer l'homogénéité des peuples dans leurs us et coutumes, barbares et romains confondus, à la fin de l'empire. 

27906729_p

Pour bien goûter ce cours magistral l'audio guide me semble indispensable. Son commentaire n'est pas redondant avec les explications murales qui ouvrent chaque section. Celles-ci sont claires et synthétiques, rédigées en français, anglais et italien. On peut regretter que les cartouches se rapportant à chaque pièce exposée ne soit rédigés que dans les deux dernières langues. L'exposition est à la fois chronologique et thématique. Le splendide catalogue ne reprend pas complètement l'ordre de la présentation mais ce présente comme une suite de court essais. L'un d'eux est sur la relecture de l'histoire antique par la république française soucieux de légitimité. Ce qui nous vaut quelques beaux morceaux de peinture du XIX ème siècle rarement mis à l'honneur dans les musées qui les possèdent. 

27907356_p

Germanicus par Lionel Royer

27907596_p

Attila par Alfredo Tominz

 

 

27907989_p

un des derniers empereurs romains par Jean-Paul Laurens
La plupart des pièces ne viennent pas de grandes institutions mais de petits musées, beaucoup des provinces françaises, où il serait bien difficile de les apprécier et de les remettre dans une perspective historique sans l'appareil critique qui les accompagne ici. Comme cet émouvant le Glossaire anglo-saxon, datant de 734 ( ?), conservé dans les collections de la bibliothèque intercommunale d’Épinal-Golbey (Vosges), véritable dictionnaire latin-vieil anglais dont les deux tiers des termes sont encore en usage dans l'anglais moderne.
 

27906779_p

Très ambitieuse dans son questionnement, elle est raisonnable dans ces constatations, vous ne trouverez pas dans Rome et les barbares de considérations plus ou moins aventureuses sur le déclin de l'empire romain ou l'émergence du christianisme à ce propos le chapitre sur l'arianisme est un des plus passionnant. L'exposition privilégie, tout à fait dans l'esprit de l'Ecole des Annales une vision sur le long temps et les coutumes plutôt qu'une saga de grands hommes et de batailles.

Capture d’écran 2020-10-07 à 07


Il faut compter au minimum quatre heures pour goûter pleinement ce bain de culture où l'érudition n'est jamais synonyme d'ennui. Une des plus enrichissantes qu'il m'est été donné de voir et qui justifie sont prix d'entrée 15€. Il est impossible d'y faire la moindre photo! Après Venise elle déménage à Bonn en Allemagne à partir du 20 août et pour six mois. 
Dans l'avion me ramenant en France j'apprend par le Figaro que le British Museum organise à partir du 24 juillet jusqu'au 26 octobre une exposition sur l'empereur Hadrien, à moins que mon délabrement s'accélère, je ne devrais pas tarder à rendre visite au mentor d'Antinous sur les rives de la Tamise. D'autre part John Boorman termine actuellement l'adaptation des "Mémoires d'Hadrien" de Marguerite Yourcenar qui ne devrait pas trop tarder à arriver sur les écrans.
Nota
J'ai écrit ce billet en mai 2008 au retour de cette formidable exposition. Le catalogue est toujours un livre de référence aujourd'hui en ce qui concerne les relations entre les romains et les barbares. Il est facilement trouvable. Je suis allé voir cet été 2008 l'exposition Hadrien au British Museum, là encore le catalogue est utile pour avoir un éclairage sur Hadrien différent de celui qu'offre le chef d'oeuvre de Marguerite Yourcenar. Enfin malheureusement John Boorman a abandonné son projet d'adaptation du roman.
Publicité
Publicité
Commentaires
Dans les diagonales du temps
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité