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Dans les diagonales du temps
5 août 2020

VOIX OFF DE DENIS PODALYDÈS

 

 

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J’ai eu une instinctive méfiance pour les livres signés par des comédiens (français notamment car il en va tout autrement pour les comédiens anglais qui sont souvent de fins lettrés et qui ont une tradition de longue date de saltimbanques romanciers. En outre il  n’ont pas souvent les mêmes origines sociales que leurs confrères français. L'appartenance de Denis Podalydès à la bourgeoisie n'est pas pour rien dans la qualité et le sel de son livre). Cette répugnance m’avait fait hésiter depuis sa parution depuis plus d’un an, à acquérir “Voix off” de Denis Podalydes. Et puis, un de mes amis me l’a offert, connaissant mon admiration pour le comédien, il est entre autres l’un des acteurs importants de mon film de chevet, “Laisser passer” de Bertrand Tavernier. Ne voulant pas décevoir mon donateur, je l’ai commencé le soir même. Dès la première page, on a la certitude qu’en la personne de Denis Podalydès, on est en présence d’ un écrivain qui se délecte des mots et joue avec la syntaxe.
Sans modestie, dès la première “séquence”, le livre est très découpé mais sans que cela évoque pour autant un quelconque montage cinématographique, se met sous l’égide de Marcel Proust en réussissant ce tour de force à n’être jamais ridicule. Combien d’écrivains professionnels pourraient en dire autant? Comme dans “La recherche” le sujet principal de “Voix off “ est le temps. L’originalité du livre est de traquer le souvenir par le biais des voix des êtres qui ont marqué sa vie. Dans ces évocations l’émotion est toujours présente mais toujours tenue. Ces voix se font entendre dans le plus grand désordre chronologique dans la tête de l’auteur. Chacune est portée par un style différent. On passe d’une prose poétique, parfois un peu amphigourique, l’amour des mots fait parfois tomber Denis Podalydes dans la belle page d’écriture, à une narration très sèche, sans doute pour justement contenir l’émotion, née du drame familiale que Denis Podalydes  semble, et ne veut pas oublier. Et puis soudain on arrive sur une relation cocasse d’un souvenir de théâtre, une irruption de charentaises fourrées au beau milieu d’une représentation de “Bérénice”. Ces constantes ruptures de ton, de sujet, on passe de la tendresse à la violence, de l’indignation à l’admiration rend la lecture de “Voix off” extrêmement vivifiante.

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Ils étaient jolis les frères de Denis..

 

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qui n'était pas mal non plus...

Cet ouvrage mélange avec bonheur des genres qui semblent à première vue antagoniste. Il est tout à la fois un essais sur le métier de comédien, une tentative d’autobiographie, une réflexion sur le son, les souvenir d’un acteur et même  une auto fiction... Cette dernière facette on ne la découvre qu’à la fin du volume, ce qui nous est présenté comme les deux premiers chapitres d’un roman. On n’a qu’un regret que celui-ci ne continue pas sur plus de pages tant c’est épatant. On pense beaucoup en le lisant aux grands humoristes anglais, au Graham Greene de “Pouvez-vous nous prêter votre mari?” ou surtout à Jérôme K. Jérôme. Le livre est tellement riche que j’ai oublié d’écrire que c’est aussi une suite de poèmes en prose, une auto-analyse, une mise en forme sensible de souvenirs d’enfance et une lettre d’amour à Versaille. Au milieu de tout cela très savamment tricoté, Denis Podalydès en profite pour entrelarder ses cogitations d’extraits de textes qu’il aime. On rencontre ainsi Racine, Beaudelaire, Proust... Par l’essence même de sa construction en patchwork, “Voix off” est inégal, certains passages m’ont touché plus que d’autres, mais aucun n’est anodin.
Il faut souligner qu’en dehors de ses qualités littéraires, le volume de “Voix off” est un bel objet illustré de photographies de grande qualité qui éclaire le texte sous une élégante couverture sur laquelle se déploie une calligraphie de Pierre Alechinsky. Au livre a été adjoint un C.D. qui nous permet d’entendre certaines voix dont il est question dans le texte.
A propos de “Voix off” on pourra lancer la réplique des “ chaises” de Ionesco: << On a ri! On a ri!...>> mais la gorge s’est serrée souvent...

Voix off, Denis Podalydès, 2008, éditions Mercure de France
 
 

Delbrouck_Podalydes

 
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Commentaires
M
Petit rectificatif chronologique :)<br /> <br /> Je n'ai commencé à lire Spirou que vers 1958 ainsi que Tintin à la même époque que j'ai lu jusqu'à son dernier numéro. Précédemment je lisais le journal de Mickey que j'ai du abandonné vers les années 70. J'ai également lu dés le premier numéro et jusqu'à son dernier Pilote. J'ai également lu occasionnellement Vaillant et encore plus occasionnellement son successeur Pif. Il n'y a plus hélas que Spirou que je lis chaque semaine.
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M
être modeste c'est le pompon.
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X
Le jour de la st-Modeste, vous devez être en deuil
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V
Au sujet d'une diffusion cinématographique , je tenais à vous informer de la rediffusion mardi 11 aout à 20H50, d'un chef d'œuvre méconnu en technicolor de 1936 dirigé par Henry Hathaway avec Henry Fonda et Sylvia Sidney intitulé "la fille du bois maudit". Il faut néanmoins recevoir la chaine cinéma de Canal+ :Ciné+ Classic
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