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Dans les diagonales du temps
28 juin 2020

LA TRILOGIE BERLINOISE DE PHILIP KERR

 

 

Il y a des années que je me promettais de lire ces livres et plus d'un an que j'avais acheté leur compilation parue aux éditions du Livre de Poche lorsque enfin j'ai décidé d'aborder ce pavé. J'ai découvert Kerr, en 2007, par son roman d'espionnage ayant pour cadre la deuxième guerre mondiale, « La paix des dupes », paru comme ses autres ouvrages aux éditions du Masque.

Comme l'indique son titre la trilogie berlinoise est composée de trois romans se déroulant à Berlin, même si c'est surtout Vienne que nous fait visiter le troisième opus, le premier, « L'été de cristal » se passe durant les Jeux Olympiques de 1936, le second, « La pâle figure » à pour toile de fond la crise des sudètes en 1938, alors que le troisième <<Un requiem allemand >> se déroule en 1947 dans l'Allemagne en ruine de la défaite.

Les trois romans sont écrits à la première personne. Leur je est Bernie Gunther un ex inspecteur de la police berlinoise qui a démissionné de celle-ci peu après la prise de pouvoir des nazis qu'il exècre tout en ne faisant pas de politique; le souci de notre homme étant principalement de survivre dans cette Allemagne nazie, confortablement si possible, en faisant fructifier son officine de détective privé qu'il a montée après son départ de la police.

Le plus grand intérêt de ces romans réside dans leur décor. Surtout en ce qui me concerne n'ayant quasiment jamais lu de livres ayant pour cadre l'Allemagne nazi et encore moins écrit de l'intérieur et contemporain de ce régime. Contemporanéité à laquelle Philip Kerr nous ferait presque croire s'il ne détaillait pas trop ostensiblement les parcours que prend son héros. Il est certain qu'il a du écrire ces livres avec un grand plan du Berlin de l'époque fixé au mur de son bureau. On a d'autant plus l'impression de lire des livres écrits dans les années trente-quarante que son héros, Bernie Gunther est assez daté essentiellement dans le premier roman où il est une copie, en version teutonne, de Philip Chandler. Comme l'américain, il abuse de blagues lourdingues et de considérations salaces, assez homophobe dans le deuxième volet de ses aventures, ce qui devient vite assez pénible, surtout dans « L'été de cristal », cela s'arrange dans les deux suivantes. Le troisième épisode fait beaucoup penser au « Troisième homme » de Graham Greene, habilement Kerr dans les dernières pages d' « Un requiem allemand » fait un clin d'oeil au chef d'oeuvre de Graham Greene sans le nommer. L'auteur s'avère dans cette trilogie à la fois modeste et brillant. Modeste parce qu'il a su au cour de ces trois romans faire évoluer son héros passant d'un simple décalque de Marlowe à un être complexe et attachant en en rien monolithique. Brillant car il a compris qu'un décor aussi intéressant soit il, la documentation sur laquelle s'appuie Kerr est sans faille, est nécessaire mais pas suffisante pour faire qu'un roman accroche son lecteur. Si l'intrigue du premier roman n'est guère qu'un prétexte pour nous brosser avec vigueur le quotidien dans l'Allemagne nazie lors des Jeux Olympiques de 1936, le dernier opus, « Un requiem allemand>> est un roman d'espionnage remarquable pas inférieur aux meilleurs de John Le Carré.

Ce qui est passionnant encore plus que les intrigues même si celle de « La pâle figure » est épatante et surtout celle de d' « Un requiem allemand » qui est d'une complexité vertigineuse, c'est la manière qu'a Philip Kerr de faire revivre l'Allemagne de ces époque dans leur quotidien effroyable. Cette banalité de l'horreur des jours que les faits historiques ont occultées. Kerr met bien en avant des évidences que l'on a trop oublié, comme par exemple le fait que le régime hitlérien fut l'occasion à une médiocre plèbe d'accéder à un pouvoir à laquelle elle n'aurait jamais eu accès sans lui. Il montre bien la brutalité et surtout la bêtise de « l'élite » nazie et la veulerie de presque tout un peuple aveuglé par un souci de l'immédiateté qui me semble bien rappeler celui de notre époque. Il met également le doigt sur quelque chose que l'on dit rarement, la corruption de la plupart des dirigeants nazis qui sous couvert d'idéologie étaient souvent surtout soucieux, pour beaucoup d'entre eux, de s'enrichir. Le fond historique de ces trois romans est remarquablement documenté. « Un requiem allemand » rappelle tout d'abord que les crimes de l'armée rouge durant la dernière guerre et surtout bien au delà, sont en rien inférieur à ceux des nazis. Il nous fait nous souvenir (pour beaucoup ils l'apprendront) de la collusion des américains et à moindre niveau des soviétiques avec certains anciens nazis qui se sont trouvés blanchis de leurs anciens crimes parce qu'ils pouvaient servir à l'une ou l'autre des deux supers puissances. Plus anecdotique Kerr montre combien les allemands avaient du mal à considérer l'occupation après 1945 d'une partie de leur territoire par les français comme légitime, les allemands ne les rangeant pas dans le camp des vainqueurs.

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