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Dans les diagonales du temps
18 mars 2020

Simon Werner a disparu de Fabrice Gobert

 

  

  

Il ne manque que peu de chose à Fabrice Gobert pour être un très bon cinéaste, peut être juste de connaitre un peu mieux la géographie et de maitriser la carte et le territoire... Le défaut essentiel de son film, qui en a peu d'autres, est que l'on ne parvient pas a croire que tous les décors dans lesquels se meuvent ses personnages appartiennent au même univers et soient circonscrits dans le périmètre limité qu'exige son scénario. Le fait que d'après les remerciements du générique (vous pouvez constatez combien je suis un critique consciencieux) tout soit tourné dans la même commune, Bondoufle en l'occurrence, ne change rien à l'affaire. Certains lecteurs vont me trouver bien vétilleux mais en ce qui me concerne, ce genre de défaut et encore plus les anachronismes, me distraient de l'intrigue et ont tendance à me faire sortir du film, et même lorsque c'est vraiment grossier, ce n'est pas le cas ici, à m'empêcher d'y entrer. Et là je dois dire que ce défaut mineur n'a été qu'une gène passagère, mais néanmoins répétée.

  

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Le cinéaste a tourné un teen movie à la française, sans aucune vedette, autrement dit le film a du être très difficile à monter. Le cinéaste se référe clairement à Gus Van Sant et plus particulièrement à son film "Elephant". Ce qui est particulièrement couillu, pour ne pas dire suicidaire pour un premier film. Le résultat est qu'en cinéma pur, il a fait mieux que son modèle en évitant les faux raccords dont Gus Van Sant, qui n'est pas un mauvais, même si je persiste à penser que c'est un cinéaste surestimé, n'est pas avare.

  

 

Le point de départ de "Simon Werner a disparu" est le plus bateau qui soit. Il a généré moult série Z de terreur pour adolescents. Pour ses dix huit ans, le héros (Jules Pelissier) organise une fête. Deux des invités découvrent dans les bois alentours un cadavre. Qui est ce? la jolie blonde de la fête (Ana Girardot fille d'Hyppolite du même nom) disparait et bientôt c'est deux autres lycéens qui sont introuvables. Les mystères s'accumulent... 

Gobert n'a pas craint non plus d'utiliser des personnages archétypales de ce genre de film. On reconnaît ainsi les différents stéréotypes comme le sportif, la bombe du lycée, le marrant, la marginale ou encore la tête de turc. Mais une fois ces stéréotypes installés, il s'amuse à jouer avec, le sportif à la jambe cassée et se déplace difficilement, la bombe du lycée est trompée par son petit ami... 

  

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Cette histoire est vue successivement par les yeux de quatre de ses protagonistes d'où la référence explicite à Gus Van Sant. En outre le lycée de la région parisienne (un des personnages cite un journal de Versailles)  où se déroule la plus grande partie du film n'est pas sans rappeler celui qui sert de cadre au film de l'américain.  La principale difficulté technique dans ce genre d'exercice est qu'il ne faut pas se tromper dans les angles de caméra lorsque l'on utilise la vision subjective qu'à le personnage d'une scène. Sinon on embrouille complètement le spectateur qui ne sait plus qui voit quoi (c'est ce qui se passe à plusieurs reprises dans Elephant). L'autre embuche est d'ennuyer le spectateur en lui racontant plusieurs fois la même chose. Gobert déjoue habilement l'obstacle en nous en apprenant à chaque regard un peu plus sur son histoire.

Plus haut j'introduisais l'idée d'anachronisme encore faut-il pour parler d'anachronisme que l'intrigue ne se déroule pas de nos jours et soit située précisément dans le temps. C'est seulement après la projection, tant le scénario m'avait captivé, que je me suis aperçu que cette histoire ne se passait pas de nos jours. Pas de téléphones portables ni d'ordinateurs, les voitures que l'on aperçoit ne sont pas des modèles récents, sans pour cela être des pièces de musée; je les daterais de la fin des années 80 et pour écouter de la musique ces jeunes gens se servent encore de microsillons et semblent ignorer les C.D. J'ajouterais qu'ils parlent tous un français compréhensible et que le casting est entièrement gaulois. Le fait que l'on ne puisse pas situer exactement ni dans le temps ni dans l'espace, même si certains indices peuvent faire penser que nous sommes dans la grande banlieue parisienne, renforce l'étrangeté de l'ensemble.

Le casting est parfait. Au demeurant les acteurs qui sont tous des inconnus, pour moi tout au moins (sauf Serge Riaboukine très inquiétant et dense en prof à la mine patibulaire que l'on charge de tous les maux et Laurent Capelluto qui était la révélation d'un conte de noel de Desplechin, en entraineur de football peut être pervers) et qui composent la distribution sont tous excellents. Je pourrais seulement reprocher à Jules Pélissier de faire plus que ses dix huit ans et de d'être pas aussi beau que son rôle l'exigerait d'après ce que disent de lui ses camarades de classe. A Elephant je rajouterais comme référence "Les disparus de saint Agil" et même "Qui a tué Harry" pour l'habileté du scénario. Nous ne sommes pas loin non plus de "virgin suicide" en ce qui concerne la juste peinture des affres de l'adolescence. Parfois aussi le film est nimbé d'une atmosphère quasi linchienne.

L'incertitude de l'époque procure au film une distance de bon aloi par rapport au naturalisme qui encombre habituellement le cinéma français. Elle évite également le coté artificielle du langage qui était un peu le problème de cet autre film de lycéens qu'est "La belle personne" de Christophe Honoré, même si ce dernier avait pris soin de situer son intrigue dans les beaux quartier où l'on est censé encore parler, même chez les jeunes gens, un français presque châtié.

  

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A noter que la musique du film est signée Sonic youth, ce qui n'est pas rien. Sonic youth induirait que nous sommes plutôt dans les années 90, alors que les visuels m'incitaient à situer le scénario à la fin des années 80...

Pour ceux qui traquent l'homosexualité dans les films, il y a dans "Simon Werner a disparu" un furtif baiser entre deux garçons mais contrairement à ce qui se passe dans Elephant cette relation n'a pas vraiment un rôle important ici. 

Simon Werner a disparu est époustouflant de maitrise aussi bien dans la direction d'acteur que dans l'écriture du scénario et la propreté du filmage, très belle utilisation de la lumière artificielle, il faut dire que l'image est signée par l'immense Agnes Godard à mon sens le meilleur chef op du cinéma français. Ce coup d'essai dans les limite de sa modeste ambition n'est pas loin d'être un coup de maitre.

  

P.S. J'ai rectifié dans le texte ci-dessus ma bourde, l'attribution d'Elephant à Larry Clark alors que le film est bien sûr de Gus Van Sant mais j'ai tenu à maintenir les commentaires de mes lecteurs vigilants.

    

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commentaires lors de la première parution du billet:

  


Bibliothèque Gay
 a dit…

C'est peut-être le semblant de polémique actuelle sur l'expo Larry Clark qui vous a fait faire une faute de frappe. Il s'agit évidemment de Gus Van Sant

25 septembre 2010 06:25 

  

Anonyme a dit…

Mars 1992 dans une petite ville de la Région Parisienne. Lors d'une soirée bien arrosée, des adolescents découvrent dans la forêt un corps apparemment sans vie, enfoui dans les broussailles. (Cinemovies.fr)

25 septembre 2010 16:17 


psykokwak
 a dit…

  

Comment avez vous pu laisser passer ce lapsus concernant la référence non à Larry Clark ( Ken Park) mais Gus Van Sant pour Elephant... du coup j'ai failli sortir de la lecture de votre critique... C'est vrai que Ken Park fait jouer 4 histoires mais qui ne se recoupent pas comme c'est le cas ici.

Ceci dit au delà de l'histoire de ce pseudo thriller d'ados, le réalisateur pointe les mécanismes de la rumeur, des imaginations qui s'enflamment. A ce titre l'entraineur de foot garde une part d'ombre (que fait il avec le jeune garçon? que les filles accusent de pervers sans preuve...)

25 septembre 2010 21:58 

  

Anonyme a dit…

J'aurais plutôt attribué Elephant à Gus Van Sant.

27 septembre 2010 10:39 


bernard a
 a dit…

  

Réponse à Psykokwak et aux autres lecteurs qui ont remarqué mon lapsus.

Parfois je me félicite de mes bourdes car c'est dans ce seul cas que se manifeste mes lecteurs. Bien sur il fallait lire Gus van Sant, encore plus sur évalué que Larry Clark, et non le nom de ce dernier. Je réitère l'avis que ce Simon Werner a disparu est supérieur à Elephant. Il est en effet possible que ce soit la médiocre polémique sur l'exposition Larry Clark au musée d' Art Moderne, dont je ne tarderai pas à vous parler, qui a pu être à l'origine de mon lapsus.

J'avais bien lu la date de 1992 dans le dossier de presse, mais rien n'indique cette date dans le film. Certains détails contredisent cette date comme l'absence de CD ou de baladeurs par exemple. Dans mes critique je ne tiens jamais compte des dossiers de presse, si les informations qu'ils contiennent ne sont pas corroborés par ce que je vois à l'écran. Psykokwak vos remarques sont pertinentes et j'y adhère complètement.

4 octobre 2010 06:40 

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