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Dans les diagonales du temps
15 mars 2020

Une puce, épargnez-la à la Comédie Française, Théâtre éphémère

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Ils sont rare les spectacles, comme « Une puce, épargnez-la », qui vous font soudainement rajeunir. Quel accueil triomphale au début des année soixante dix aurait eu cette pièce qui marque l'entrée de son auteure, Naomi Wallace, au répertoire de la prestigieuse maison, grâce à son brechtisme sans complexe. Est-ce à la soudaine gloire et probablement éphémère de monsieur Mélanchon que l'on doit ce retour de la lutte des classes sur nos tréteaux.

  

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Nous sommes à Londres en 1665 lors de la grande peste. Dans la maison d'un couple de très riches bourgeois (Guillaume Gallienne et Catherine Sauval), pour fuir la maladie deux miséreux s'y sont introduit subrepticement. Il y a un jeune marin (Félicien Juttner) et une très jeune fille (Julie Sicard) dont on s'apercevra bientôt qu'elle n'est pas celle qu'elle prétend. Pour éviter que la maladie se propage un gardien (Christian Gonon) obstrue les ouvertures et déclare la maison en quarantaine. Ses quatre occupants devront cohabiter de longs jours dans les deux seules pièces qui ne sont pas polluées.

  

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Le couple de riches est très méchant et frustré sexuellement. Le monsieur (parfait Guillaume Galienne) a des vues inconscientes sur le matelot qui par ailleurs raconte que son seul véritable amour a été un jeune mousse, matelot qui néanmoins excite beaucoup madame, tandis que la gamine tente par ses charmes acides de circonvenir le gardien. Ce dernier donne des nouvelles de plus en plus alarmantes de l'extérieur aux reclus.

  

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La pièce est découpée en scénettes cursives. La mise en scène d'Anne-Laure Liégeois, que l'on ne félicitera pas, les interrompt par un noir brusque et un éclairage violent de la rampe destiné à éblouir les spectateurs, ce qu'il réussit trop bien à faire, pour que l'on ne voit pas les préparatifs de la scène suivante. Outre que nous sommes éblouis, nous sommes également assourdis par un air de clavecin récurrent dont le martellement cesse tout aussi brusquement dès que la pièce reprend.

Le manichéisme des personnages et la relative faiblesse de l'évolution de l'action sont heureusement compensés par le brillant des répliques et l'intérêt documentaire que l'on porte à la description de la peste et de ses conséquences, Naomi Wallace est grandement redevable sur ce point à Daniel Defoe...

Le décor très sobre et élégant dans les gris est à l'unisson de l'esprit du texte et fait aussi penser à ceux que l'on voyait vers 1970, toutefois je ne m'explique pas pourquoi le plateau est petit à petit envahi par d'intempestifs volatils empaillés.

Le gardien et madame dans des rôles assez faciles font bien ce qu'ils ont à faire. Catherine Sauval à le plumage de l'emploi de gamine, au vingtième rang où je me trouvais, sa petite taille et son absence de poitrine faisaient penser que l'on avait réellement à faire à une gamine de douze ans. Malheureusement le ramage, avec quelques criailleries superflues et une diction pas toujours parfaitement audible n'est pas à la hauteur de la silhouette. A propos de diction, il y a bien des reproches également à faire à Félicien Juttner qui en outre n'est pas physiquement assez séduisant pour le rôle. Et puis il y a l'immense Guillaume Gallienne que j'aimerais revoir bientôt dans un vrai méchant car ici, son Snelgrave est surtout un médiocre aveuglé et corseté par ses préjugés.

  

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Même si je ne suis pas certain que la pièce méritait d'entrer au répertoire du Français, la soirée est enrichissante, et puis ce théâtre somme toute de forme classique est devenu tellement rare que l'on est devenu indulgent pour cette grande forme. J'ai parfois eu le sentiment d'assister aux bonnes de Genet réécrit par Brecht avec un zeste de Montherlant, le tout transplanté dans le Londres du XVII ème siècle très curieux pour une américaine qui se réclame de James Baldwin.

  

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Je dois avouer que la pièce n'était pas la seule raison pour que je me rende au théâtre éphémère car j'avais très envie de voir le bâtiment lui même, et cela sans trop tarder puisqu'il est éphémère. Après l'avoir vu et avoir assisté à une représentation dans ces lieux qui sentent encore bon le bois, mon seul regret est qu'il soit éphémère. On y est mieux assis que dans la vénérable salle de la Comédie Française, la température y est parfaite et la vision, grâce à la déclivité des sièges est optimum. Sa situation est judicieuse ne masquant ni les colonnes de Buren ni les jardins du Palais Royal, qui ne sont certes actuellement accessible que du coté opposé aux colonnes de Buren, mais occupant un lieu entre les deux habituellement de peu d'intérêt. Pourquoi ne pas prolonger la vie de cette salle donnant une scène supplémentaire aux comédiens de la Comédie Française.

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