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Dans les diagonales du temps
jacques martin
1 juillet 2020

La forêt carnivore de Valérie Mangin et Thierry Démarez

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couverture de l'album en édition courante

 

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couverture de l'édition de luxe

 

L’action de l’album se passe quelques dizaines d’années après la conquête. Certains Gaulois refusent la domination romaine, principalement ceux qui ont souffert dans leur chair de la guerre contre les Romains. Les vétérans dans La Forêt carnivore sont les rescapés du siège d’Uxellodunum, un oppidum situé dans le Quercy. César leur a fait couper les mains pour les punir de s’être révoltés après Alésia. Il les a, de fait, retranché de la communauté des hommes. Ce que montre bien l’album c’est que la Gaule de l’enfance d’Alix n’existe plus et que la civilisation gallo-romaine, totalement originale, est déjà en train de naître.

La Forêt carnivore est en rupture avec les neuf albums précédents de la série Alix sénator, alors que les autres étaient chacun en quelque sorte un chapitre d’une histoire plus longue, celui-ci est un one-shot comme l’on dit aujourd’hui. Il peut donc se lire indépendamment de tout les autres albums. Néanmoins, pour les lecteurs de la série Alix classique, c’est aussi en quelque sorte, bien des années après, la suite du "Sphinx d’or" et de "Vercingétorix", les deux albums dans lesquels Jacques Martin évoque Alésia. Pour renforcer cette filiation Valérie Mangin a demandé à Thierry Démarez de redessiner dans son style des cases des albums de Jacques Martin sur Alésia. Il y a un clin d’œil amusant au Sphinx d’Or. Dans cet album, Jacques Martin se trompe et situe le siège d’Alésia en hiver alors qu'il a lieu en été. Plus tard, Jacques Martin revient sur ce siège dans "Vercingétorix" et rectifie sa première version et cette fois le situe en été. Alix Senator est l’héritier de ces deux albums, de ces deux versions. En montrant Alix essayer de se souvenir et se tromper sur la temporalité de la bataille, la scénariste s’est amusé à faire comme si ces récits de jeunesse étaient ceux d’un Alix plus âgé à la mémoire pas toujours sûre.

En partant de ces deux albums, dans son scénario, Valérie Mangin  a repris des éléments du Vercingétorix de la série mère et ses personnages principaux Ollovia femme du grand Chef, son fils Edorix devenu Caius, Vanik le fidèle cousin de Alix à qui elle donne un destin et aussi les loups des "Légions perdues".

Le scénario évoque le sort des vaincus de la guerre des Gaules, des gens qu’on oublie en général pour se centrer sur César ou le chef arverne. Il ne faut pas oublier qu’Alix est un vaincu du conflit contre les Parthes. Il y a perdu son père, disparu dans des circonstances troubles, et y a été réduit en esclavage. Il connaît donc les conséquences terribles d’une défaite d’où son empathie avec les gaulois vaincus.

 

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Comme à son habitude Valérie Mangin s’appuie sur des sources historiques solides s’il n’y a pas eu de révolte gauloise dans cette région, c’est la part d’invention, en revanche, Alésia bien été reconstruite et est devenue une petite ville gallo-romaine de 4000 habitants avec son théâtre, son forum… On pourrait penser que certains détails sont de pures fantasmagorie comme le fait que les gaulois aimaient conserver les têtes de leurs ennemis en trophées dans leurs maisons et bien non cette charmante coutumes a été avérée par de nombreuse fouilles.

 

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Je suis plus dubitatif au sujet des décors d’autant qu’ils me semblent en contradiction entre eux comme ceux quasiment mégalithiques de type Stonehendge (p17) qui donnent un cachet, une dimension ésotérique à l'histoire par rapport avec les éléments architecturaux de l'urbs d'Arquélia, qui eux font clairement penser à un municipe du IIème siècle de notre ère (p5). Je pense que la raison de ce hiatus est que Valérie Mangin a voulu avant tout mettre en exergue la romanisation accélérée de cette époque de transition et de transformation radicale du paysage à tel point que Alix ne reconnaît plus son pays.

 

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Deux choses m’ont principalement gêné dans « La forêt carnivore » d’abord le thème l’assimilation plus ou moins difficile d’un peuple conquis à la civilisation romaine, non par le thème en lui même, mais du fait que c’était déjà celui du dernier album, Les helvètes, de la série classique. Certes cela ne met pas en cause la qualité des scénarios qui sont globalement bon mais je trouve que leur concomitance est gênante.

 

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Plus grave est le malaise que j’ai ressenti à la découverte de la première séquence de l’album d’autant que ces premières pages peuvent engendrer pendant longtemps un contresens dans la lecture. En effet j’ai pris tout d’abord l'enfant du début de l'histoire  pour Alix, car il est blond comme lui mais  je n’avais pas assez fait attention aux dates comme les événements se passent en -44 avant Jésus-Christ, cela ne peut pas être lui car notre héros aurait alors 22 ou 24 ans. Il reste qu’il aurait mieux valu éviter cette ressemblance qui jette le trouble.

 

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Il reste, qu'une fois encore, Mangin et Démarez livrent un travail soigné. Encore plus que précédemment, ils prennent en compte l'héritage de la série mère dans le scénario, donnant de la cohérence à toutes la saga alixienne et aussi dans le dessin avec quelques discrets hommages à Jacques Martin.

Préférez l'édition de luxe à l'édition courante car à la fin comme d'habitude on trouve une dizaine de pages supplémentaire qui délivrent un véritable cours d'Histoire et remet l'album dans son contexte historique. C'est un ajout précieux pour le plaisir de la lecture.

 

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9 mai 2020

Alix nu


 

 

 

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Merci à J.R pour l'envoi de cette dernière image dont je ne me souvenais plus.

7 mai 2020

case en exergue, Jacques Martin

Jacques Martin "L'Odyssée d'Alix", éditions Casterman (1987).

1 avril 2020

Les jeux Olympiques vus par Jacques Martin

  •  
Les jeux Olympiques vus par Jacques Martin
30 mars 2020

Enak en scout par Jacques Martin

 

Enak en scout par Jacques Martin
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9 mars 2020

Marc Jailloux à Versailles

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Versailles, février 2020

9 mars 2020

sur les pas d'Alix au Machu Pichu

sur les pas d'Alix au Machu Pichu
sur les pas d'Alix au Machu Pichu
sur les pas d'Alix au Machu Pichu

Je ne suis pas peu ému d'avoir mis, il y a quelques temps, mes pas dans ceux d'Alix. 

7 mars 2020

Martin, L'Histoire en héritage

Martin, L'Histoire en héritage
Martin, L'Histoire en héritage
Martin, L'Histoire en héritage

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Alix l'intrépide (1948

 

Une bien belle exposition Martin et consort en la galerie Huberty & Beyne, 91 rue Saint Honoré, Paris 1 er, jusqu'au 19 mars. Que des planches magnifiques de Jacques Martin, Pleyers, Bob de Moor ou Chaillet. Elles permettent de voir d'après originaux l'évolution du dessin de jacques Martin et cela à partir d'une des toutes premières planches du premier album des aventures d'Alix, Alix l'intrépide jusqu'à L'empereur de Chine. Si vous êtes riches vous pouvez repartir avec une planche de Jacques Martin (entre 13000 et 15000 €) ou moins une splendide planche de Pleyers pour 1000€.

 

Martin, L'Histoire en héritage
Martin, L'Histoire en héritage

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Les légions perdues

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L'enfant grec et Le dieu sauvage 

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L'enfant grec

Le dernier des spartiates

Le dernier des spartiates

Le dernier des spartiates

Le dernier des spartiates

Martin, L'Histoire en héritage
Martin, L'Histoire en héritage

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Le dernier des spartiates

Martin, L'Histoire en héritage
Martin, L'Histoire en héritage
Martin, L'Histoire en héritage
Martin, L'Histoire en héritage
Martin, L'Histoire en héritage
Martin, L'Histoire en héritage
L'ile maudite

L'ile maudite

Paris, mars 2016

Paris, mars 2016

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Le repaire du Loup, dessin de Bob de Moor (1970)

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Le vol du Spirit par Chaillet

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Le repaire du loup par Bob de Moor

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Jhen l'archange dessiné par Jean Pleyers

Martin, L'Histoire en héritage
Martin, L'Histoire en héritage
Martin, L'Histoire en héritage
Martin, L'Histoire en héritage
Martin, L'Histoire en héritage
Martin, L'Histoire en héritage
Martin, L'Histoire en héritage

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Jhen la cathédrale dessiné par Jean Pleyers

 

7 mars 2020

Alix l'intrépide de Jacques Martin

Alix l'intrépide de Jacques Martin
L'histoire commence à Khorsabad, en Mésopotamie, pendant la guerre entre Rome et les Parthes. Marsalla, un général romain qui n'aurait pas dû se trouver là, découvre un jeune Gaulois, Alix, dont il tente vainement de se débarrasser. Celui-ci est ensuite recueilli par des Parthes qui poursuivent les Romains. Après les avoir quittés, Alix rencontre d'autres personnages, tantôt bienveillants, tantôt inquiétants, et finit par arriver à Rome où il retrouve Marsalla. Mais entre temps, Alix est devenu citoyen romain... Contrairement à ce qu'il fera plus tard pour la plupart des autres aventure d'Alix, Jacques Martin a situé précisément celle-ci. 
L'événement historique qui ouvre les aventures d'Alix est la bataille de Carrhes, au cours de laquelle l'armée parthe de Suréna vainquit les légions romaines de Crassus ; elle eut lieu le 28 mai -53. L'épisode suivant, Le sphinx d'or, qui enchaîne sur celui-ci, commençant en septembre -52, cette première aventure d'Alix dure environ quinze mois, maistrès inégalement répartis : quelques jours ou quelques semaines au début et à la fin, entrecoupés par une séquence romaine résumée en une seule image, page 32 ! Mais s'il se passe tant de chose dans cet album, c'est que chaque page comporte 4 bandes qui contiennent elles-même 3 vignettes, ce qui fait donc 16 images par planche. Chaque case contient en plus un texte, composé aussi bien de récitatifs que de copieux dialogues. Il y a un total d'environ 900 cases par album ... soit le double de ce que l'on a actuellement dans un album 44 pages couleur. Quelle différence !
Alix l'intrépide de Jacques Martin
Alix l'intrépide de Jacques Martin

Toute cette aventure est sous l'influence de Ben Hur. L'histoire est globalement différente, bien sûr, mais il y a de multiples séquences qui semblent  être des "réminiscences" du livre ou du film muet de 1929 puisque ne faisons pas d'anachronisme, le grand film de William Wyler n'existait pas au moment où Jacques Martin a dessiné cet album en 1948. Premier exemple frappant : le début avec Alix qui se penche depuis un mur et qui fait tomber des pierres sur un général romain en train de défiler. Par la suite, on découvre aussi une galère attaquée par des pirate, l'adoption d'Alix par un patricien romain puis le décès de celui-ci, la fameuse course de char spectaculaire ... ce sont des scènes marquantes du roman de Lewis Wallace.

 

La planche 1 telle qu'elle est parue en 1948 dans l'hebdomadaire Tintin

ci-dessous l'originale de la planche

 

 

En ce qui concerne l'élaboration de cette première aventure n'oublions pas que nous sommes en 1948 et que les sources de documentation n'ont rien à voir avec ce qu'on trouve aujourd'hui. Dans "Avec Alix", J Martin explique qu'il se rendait régulièrement dans une bibliothèque de Verviers à l'époque et que sa source principale d'information était le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines de Charles-Victor Daremberg, qui comprenait 9 volumes. C'est là qu'il y découvrit les éléments pour reconstituer le palais du roi Sargon à Khorsabad, ainsi qu'une représentation du colosse de Rhodes et d'autres encore.


 

Alix l'intrépide de Jacques Martin

 

Une planche de l’épisode «Alix l’intrépide» représentant une scène navale comme celle ci-dessus et publiée dans le journal Tintin du 3 février 1949 a été vendue à 32.002 euros alors qu’elle avait été estimée entre 13.000 et 15.000 euros, indique dimanche soir la salle de vente bruxelloise Banque Dessinée.

Où sommes nous? On se déplace beaucoup, dans ce récit, qui commence à Khorsabad, puis on traverse l'Arménie et on arrive à Trébizonde ; après un voyage maritime au cours duquel on rencontre des pirates, nous voici à Rhodes ; nouvelle croisière pour arriver à Rome ; l'histoire se poursuit à Vulsini et s'achève au pied des Alpes.
Nous faisons connaissance d'Alix à Khorsabad. Nommé à l'origine Dûr-Sharrukin, « forteresse de Sargon », ce n'est plus qu'un petit village de l'Irak, à 15 km à l'est de Mossoul. En -713, l'empereur assyrien Sargon II ordonna la construction d'un nouveau palais au nord de Ninive. Cette cité rectangulaire mesurait 1760 m sur 1635 m pour 300 hectares. Ses murailles étaient protégées par 157 tours et étaient percées de sept portes, correspondant aux principales routes de la région. Une terrasse pavée accueillait le palais royal et les temples, ainsi qu'une ziggourat. La cour s'y installa en -706, mais Sargon mourut au combat l'année suivante. Son fils et successeur Sénachérib revint à Ninive. La cité inachevée fut abandonnée un siècle plus tard lors de la chute de l'empire assyrien. Il est fort peu probable qu'un trésor y soit resté intact pendant six siècles, s'il s'y trouva jamais. D'ailleurs, au temps d'Alix, la cité était déjà en ruines et inoccupée. Elle fut fouillée par des archéologues français au XIX° siècle, ce qui vaut à une partie de ses statues et bas-reliefs de se trouver au Louvre... et une autre partie au fond du Tigre, où le bateau qui la transportait coula en 1855, et jamais retrouvée.
Le choix de Khorsabad par Jacques Martin pour faire apparaitre Alix est assez curieux, car on peut se demander ce que Marsalla, le fictionnel légat de Crassus (décalqué sur le Messala de BEN HUR)! allait faire à Khorsabad avec toute sa légion, sur les talons d'Alix? D'autant qu'en marchant dans cette direction il s'enfonçait dans l'Empire parthe et rompait ses lignes de communication avec son Crassus son supérieur.
On peut penser que la raison de la présence de Khorsabad serait que JM avait dû lire quelque chose sur les fouilles archéologiques françaises de Khorsabad par Paul-Emile Botta (en1840-1850) (dont quelques Kerubs sont au Louvre), d'où l'imagination qu'un trésor s'y trouverait encore.
Alix l'intrépide de Jacques Martin
Alix l'intrépide de Jacques Martin

De Khorsabad à Trébizonde, Alix traverse le royaume d'Arménie, qui, chose curieuse, n'est jamais nommé. En -610, les Haïkans, une tribu thraço-illyrienne, se fixe en Médie, où elle se mélange pacifiquement aux anciennes tribus autochtones, formant un État indépendant (Alix rencontre une tribu de Haikanes qui semble être traquée par les autres groupes ethnique du lieu...) ; le nom d'Arménie n'apparaît qu'en -520. La région passe successivement sous la tutelle des Mèdes, des Perses et des Macédoniens d'Alexandre ; elle prend à cette occasion une forte teinture hellénistique qu'elle ne quittera plus. En -190, les Grecs ayant été battus par les Romains, l'Arménie redevient indépendante. En -95, son roi Tigrane le Grand fonde un vaste empire qui va du Caucase à Mossoul et de la Caspienne à Antioche. Mais Rome finit par s'inquiéter de sa puissance et, en -66, il est vaincu par les légions de Pompée ; le pays devient un protectorat romain, tout en restant gouverné par ses rois ; au siècle suivant, il sera partagé entre Rome et les Parthes. A l'époque à laquelle Alix le visite, le pays est en paix. A ce propos il y a une bizarrerie à relever : c'est la conquête de Khorsabad par le général Marsalla. Comme le récit débute quelques semaines après la bataille de Carrhes, au moment de l'entrevue entre Suréna et Crassus, j'imagine mal qu'un général romain ait poursuivi le siège d'une ville en territoire ennemi alors que l'armée principale était en train de faire retraite.

 

Alix l'intrépide de Jacques Martin

Khorsabad est un lieu crucial dans l'existence du héros il y retrouve sa mère, dans le roman "Le sortilège de Khorsabad".Elle avait été enlevé par Arbacès. Voici la biographie de Myrdinna, la mère d'Alix. C'est Arbacès qui parle:

"Elle a été mon esclave, Alix! A Délos, elle avait avalé une drogue qui l'avait fait passer pour morte. Le mélange de ce breuvage et de son antidote eut des effets imprévisibles.Ta mère a sombré inexorablement dans la démaence. Je ne te connaissais pas encore quand elle est entrée en ma possession, sinon...
-Monstre!Je ne sais ce qui me retient...hurle Alix
-Elle devint de +en+ incôntrolable. Pendant son séjour à Tyr, je l'ai cédée à un aubergiste nommé Damon pour payer mes dettes de jeu. Et tu vois Alix, les gardes, les archers , les citoyens de Tye, et même les chiens et les rats: tous savent que ta mère est folle!"
Plus tard, Alix retrouve Myrdinna, qui meurt dans les bras de son fils
"Myrdinna, petite mère...C'est moi, Alix, ton fils...Myrdinna petite mère...
Mais qu'arrive t'il? Son petit Alix s'est-il blesssé. Il pleure. Allons viens chez maman, elle va poser un doux bisou sur le vilain bisou. Et parce que tu es sage, j'ai un cadeau pour toi.Regarde, une belle poupée.
-Myrdinna petite mère...
Je sais, les poupées, ce n'est pas pour les garçons mais c'est tout ce que je possède. Je l'ai gardé rien que pour mon Alix. Je lui ai tellement parlé qu'elle est devenue un peu toi, un peu moi.Maintenant, tu peux l'avoir , mais tu dois cesser de pleurer. Ecoute la, elle t'aime comme je t'aime. Et toi?
-Oh, oui, je t'aime .Maman...
-Il se fait tard. Il faut dormir.Serre-moi encore dans tes bars....Et nous dormirons...Alix...
Alix étreint sa mère.Et pour elle, qui ne l'entend plus,il retrouve le langage lointain de son enfance et chante à voix basse:
-Un matin, petit moineau, tu étendras tes ailes et tu vaicras le ciel." 

 

Alix l'intrépide de Jacques Martin
Alix l'intrépide de Jacques Martin
 
Ensuite nous voici à Trébizonde. C'est l'ancienne Trapézonte grecque, fondée en -756 par des colons de Milet. C'est de là que Xénophon et ses Dix-Mille aperçoivent enfin la mer après leur retraite de l'empire Perse. ( L'Anabase, -IV° siècle ). Indépendante pendant la domination Perse, elle est intégrée par Alexandre au royaume du Pont, puis annexée par Rome en tant que cité libre ; elle resta très prospère. Elle fut la capitale d'un empire grec aux XIII° et XIV° siècles. C'est aujourd'hui la ville turque de Trabzon, 200 000 habitants.
Après une petite visite chez les pirates nous abordons à Rhodes célèbre pour son colosse. Peuplée par les Doriens, l'île commerça surtout avec la Grèce et l'Égypte. Elle conclut un traité avec Rome en -164. Son école de philosophie, où étudièrent Pompée et Cicéron, était célèbre.
Le colosse fut érigé en commémoration d'un siège qui eut lieu en -305 et qui échoua. La statue, d'une hauteur de 32 m, représentait Apollon-Hélios et était considérée comme la 6° des sept merveilles du monde. C'était l'œuvre de Charès de Lindos ( autre ville de l'île ), qui se suicida en découvrant une erreur dans ses calculs ; un de ses assistants les corrigea. C'était parti pour 12 ans de travaux.
 

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le sanctuaire d'Apollon à Rhodes (octobre 2012)

 

A partir de là, les historiens ne sont plus d'accord. Sur l'emplacement de la statue d'abord : elle ne pouvait se trouver dans la posture traditionnellement représentée, enjambant l'entrée du port, un pied sur chaque jetée ; l'écart, d'environ 40 m, aurait été trop grand pour sa taille ; on pense qu'elle pouvait être érigée, soit sur les hauteurs de l'île, ou en contrebas de l'Acropole, ou encore sur un côté du port, et peut-être adossée à une falaise. Sur sa composition ensuite : sur un socle de marbre, elle aurait été constituée d'un bâti de bois recouvert de plaques de bronze, mais ces matériaux semblent difficilement compatibles avec sa hauteur pour des raisons de solidité ; alors, une statue de pierre recouverte de bronze ? La représentation qu'en fait Jacques Martin est néanmoins vraisemblable.
Toujours est-il que les Rhodiens n'en profitèrent pas longtemps : terminée en -292, un séisme la jeta bas en -226. L'oracle de Delphes aurait interdit aux habitants de la relever. Ses débris restèrent sur place jusqu'en 653, date à laquelle ils furent vendus : il y avait 13 tonnes de bronze et sept tonnes de fer. Il n'en reste absolument plus rien... S'il ne reste rien du colosse, il y a tout de même des vestiges romains comme le montre ci-dessus, les photos que j'y ai prises, il y a quelques années.
A Rome C'est l'époque où la population urbaine s'accroît considérablement sous l'effet de la transformation des structures économiques et sociales ; la petite propriété paysanne disparaît, remplacées par les grandes exploitations fondées sur le système esclavagiste. D'énormes quartiers d'habitations sont crées, avec pour corollaires : la spéculation immobilière, les effondrements et les incendies. Des architectures monumentales et de prestige transforment Rome en une capitale comparable aux grandes villes hellénistiques avec le concours d'architectes et d'artistes grecs, et comprenant notamment des nouveaux temples, des aqueducs et des magasins portuaires. La ville commence à se sentir à l'étroit dans son enceinte archaïque, dite de Servius, pourtant récemment étendue, dont le périmètre de 11 km englobe 427 ha : des faubourgs poussent à l'extérieur. L'époque de grandes réalisations architecturales dans la cité. Le théâtre de Pompée est construit au Champ de Mars entre -61 et -55, c'est le premier théâtre en pierre à Rome ; pour conserver l'aspect sacré donné aux représentations théâtrales, un temple dédié à Vénus Victrix se trouve au sommet des gradins ( on les voit bien page 19 de Roma, Roma ). De -54 à -46 s'érige le forum de César sur les côtés de la place s'élèvent les grandes basiliques destinées à abriter les procès, ainsi que les transactions financières et bancaires ; il sera le modèle des futurs forums impériaux. Mais à part la demeure d'Alix et quelques rues, on voit assez peu de choses de Rome dans cet album, à l'exception du Cirque Maximesiège des courses de chevaux et de chars depuis les débuts de la cité ; ses installations furent d'abord en bois, le premières structures en pierre datant du -II° siècle ; il pouvait contenir 250 000 spectateurs.
On voit aussi un amphithéâtre qui évoque le Colisée, mais celui-ci ne fut construit qu'un siècle plus tard, sous Vespasien ; son nom est d'ailleurs : l'amphithéâtre Flavien ; il pouvait contenir 60 000 spectateurs. Au temps d'Alix, les spectacles avaient lieu sur le Forum Boarium ( le forum aux bestiaux ), près du Champ de Mars, la place servant d'arène, avec des galeries de service creusées par en dessous et des gradins de bois autour pour les spectateurs. Le premier amphithéâtre en pierre de Rome ne fut construit qu'en -29. Les amphithéâtres servaient pour les spectacles de gladiateurs ( munera ), les batailles navales ( naumachies ), et les chasses aux fauves ( venationes ).
L'album se termine à Vulsini, une ville se situe à 100 km au nord de Rome ; c'est aujourd'hui Bolsena, près du lac du même nom. Alix y retournera au début des Légions perdues.
 
Quel était le contexte historique de l'album? Nous sommes à la fin de la République romaine, qui est gouvernée par le « triumvirat » Pompée-Crassus-César. Tandis que ce dernier, nommé par le Sénat proconsul des Gaules conquiert méthodiquement le pays depuis -58, à la fois pour s'assurer la gloire militaire et une fortune qui lui permettra de payer ses dettes, Pompée est le maître de Rome. Pour le « Grand Homme », comme il se fait appeler ( Pompéius Magnus ), la gloire et la fortune sont déjà là : ses campagnes en Espagne contre Sertorius, en Orient contre Mithridate et contre les pirates lui ont accordé l'une et l'autre ; ce bon stratège est très populaire,mais c'est un mauvais orateur et un piètre politique.
Quant à Crassus, on dit que c'est l'homme le plus riche du monde, sa fortune étant estimée à 170 millions de sesterces, pas tous acquis honnêtement...mais il lui manque la gloire militaire : même celle de son modeste succès contre Spartacus lui a été soufflée par Pompée, arrivé en ouvrier de la onzième heure. Alors, bien que Pompée ait signé un traité de paix avec les Parthes, dix ans plus tôt, Crassus le dénonce et se met en tête de conquérir leur royaume qui, accessoirement, contrôle l'accès de la Route de la Soie et des richesses de l'Asie qu'elle apporte. A la fin de l'année -54, le voilà à Antioche, à la tête de sept légions dont une de cavaliers Gaulois fournie par César. Pendant que Crassus perd son temps à piller le Proche-Orient, jusqu'au temple de Jérusalem, Suréna renforce l'armée Parthe.La confrontation aura lieu à Carrhes.... La seule chose dont nous soyons sûr, c'est que Crassus avait franchi l'Euphrate à la hauteur de Zeugma («le lien») où, comme le nom l'indique, il y avait un pont reliant Séleucie de Commagène et Apamée (deux villes se faisant face de part et d'autre du fleuve, aujourd'hui noyées par le barrage de Birecik). Crassus marcha donc vers Carrhæ - où il avait laissé une garnison l'année précédente - puis descendit le Ballissos (act. Balikh), un affluent de l'Euphrate.
Il semble que la bataille de Carrhæ eut lieu à 40 km au sud de cette ville, mais les spécialistes discutent encore pour savoir si ce fut sur la rive droite ou la rive gauche du Ballissos.
Crassus, de fait, ne sortit pas du bassin de l'Euphrate (Carrhæ est à la frontière de la Turquie/Syrie).

 
Jacques Martin a maintes fois raconté comment la première page d'Alix, fournie à l'éditeur de Tintin à titre « d'échantillon », fut publiée sans qu'il en soit prévenu et comment on lui réclama précipitamment la suite... Quand Leblanc lui a demandé de faire une planche par semaine après sa première planche-test qu'il avait proposée quelques semaines plus tôt et qui a d'ailleurs été publiée telle quelle, J Martin n'avait pas prévu de scénario pour la suite, persuadé qu'on ne le rappellerait plus. Il a donc du élaborer son scénario petit à petit, c'est pour ça que cet album fait un peu "feuilleton". Mais à partir du moment où Alix apprend d'Honorus Galla, son père adoptif, qu'il est le fils d'un chef gaulois, l'histoire décolle alors vraiment
Il faut croire néanmoins qu'il avait soigneusement préparé son affaire, accumulant références et documentation, car on ne sent guère l'improvisation.
Au début, cependant, il n'y a pas d'intrigue : Alix rencontre des Romains, des Parthes, traverse l'Arménie, comme si c'était une période d'observation, mais tout change avec l'arrivée d'Arbacès, puis de Galla, et Alix doit faire face à des enjeux de plus en plus importants, au péril de sa vie. Le scénario est serré et les rebondissements fréquents.
Si le caractère de notre héros est déjà bien fixé, et ne variera plus guère, le dessin se cherche : l'auteur n'a pas encore mis au point le style « martinien » que l'on trouvera quelques épisodes plus loin, bien que les attitudes des personnages soient déjà bien présentes. Les décors sentent parfois le dessin d'architecte et la couleur, assez neutre, ne les met pas en valeur.
Dans cet album commencé dans l'urgence, on trouve peu de décors détaillés ou de grande image panoramique. On peut signaler bien sûr une grande case spectaculaire qui représente le Colosse de Rhodes, mais est-elle véridique ? Les images sont le plus souvent subordonnées à l'action et l'auteur n'a pas le temps de se consacrer aux détails. Il y a parfois quelques vignettes aux décors étonnement précis, et c'est le signe que Jacques Martin est en train de rechercher son style.


Tout cela évoluera donc par la suite, mais après un départ qui aurait pu mener n'importe où, on voit le récit prendre de l'ampleur tout en conservant sa ligne directrice, et Alix, qui ne cherche d'abord qu'à sauvegarder son existence, se voit vite confronté aux exigences de la politique, et il ne s'en affranchira plus à l'avenir. 
Au début des aventure d'Alix, Jacques Martin dit avoir donné à son héros quinze ou seize ans. Comme il n'est pas tombé du ciel à Khorsabad, il a bien dû passer quelque part les premières années de sa vie, et il n'est certainement pas resté inactif.
Pourtant, à ce moment-là, on sait assez peu de choses sur lui et on n'en apprendra guère plus par la suite. Lorsque son portrait s'affinera, ce sera au fil de ses aventures, et il permettra de préciser certains aspects de sa personnalité, par exemple son rapport avec le pouvoir, ou ses relations, souvent controversées, avec les femmes. Mais on reviendra rarement en arrière, sur ses premières années, aussi est-il intéressant de faire le point à ce sujet.
Il est Gaulois, il est esclave ( on verra que c'est discutable ), il sait monter à cheval et combattre ( deux talents qui ne « collent » pas tellement bien avec son statut servile ), il connaît au moins une autre langue que la sienne, certainement le grec, la langue commune de tous les gens cultivés de l'époque, ce qui lui permet de converser d'égal à égal avec Suréna, alors que son interlocuteur est général en chef et premier ministre du roi des Parthes. Drôle d'esclave, en vérité !
Par la suite, grâce à Galla, on apprend qu'il est le fils d'un chef gaulois et que ses parents ont disparu pendant la guerre des Gaules, tandis que lui-même était vendu comme esclave.
Correction un peu plus tard : nous apprenons alors la participation des siens à la légion de cavalerie gauloise sous les ordres de Crassus à Carrhes ( dans Iorix le grand ) et nous le voyons arriver à Khorsabad après avoir voyagé avec cette armée et perdu de vue le reste de sa famille ( dans C'était à Khorsabad).
Enfin, dans plusieurs épisodes, nous constatons sa maîtrise à la conduite des chars de course, avec succès, puisqu'il gagne généralement ; à plusieurs reprises également, il se retrouve contraint de combattre comme gladiateur, toujours avec succès. Or, ces deux « métiers », difficiles et dangereux, ne s'improvisent pas et mettent du temps à s'apprendre.
Ces éléments disparates sont à peu près tout dont nous disposons pour esquisser une biographie sommaire du personnage, sans compter que certains sont contradictoires entre eux et avec les faits historiques et de société. C'est pourtant suffisant pour reconstituer sa vie en s'en tenant au plus vraisemblable.
Cette histoire commençant en -53, Alix est né en -69 ou -68 en Gaule. Rappelons que les opérations militaires de la guerre des Gaules n'ont commencé qu'en -57, Alix ayant alors 11 ou 12 ans, et ces opérations ne concernaient que la Gaule Belgique, entre Seine et Rhin, et la façade océane, pas encore l'intérieur du pays, qu'il a en fait quitté en -54, on verra comment.
Si on s'en tient au seul critère géographique, cet album ne nous dit rien de son lieu de naissance; fort heureusement, deux autres albums sont un peu plus bavards. Dans Le sphinx d'or, nous voyons Alix revenir au pays, alors que le siège d'Alésia se déroule non loin de là. Un peu plus tard, la localisation de ce pays, où il retrouve son cousin Vanick, est plus précise dans Vercingétorix : entre la Saône et Alésia. Ce territoire est celui des Eduens, un riche et puissant peuple Celte, allié de longue date des Romains, sauf pendant une brève période de l'année -52, lors de la campagne de Vercingétorix.
Mais les révélations de Galla nous disent tout autre chose : pour qu'un peuple Gaulois soit vaincu de la manière dont il le raconte, il aurait fallu qu'il soit Belge, Armoricain ou Aquitain, et que l'événement se soit déroulé entre -57 et -54.
Pourquoi cette dernière date ? Parce que si Alix a suivi l'armée de Crassus, avec ou sans sa famille, les légions étaient à pied d'œuvre en Orient dès l'automne -54, et on sait que Crassus perdit ensuite son temps à piller la région jusqu'en mai -53, une aubaine pour les Parthes. Or, les Eduens ne se joindront à la révolte qu'à l'été -52, après Gergovie.
Que peut-on conclure de ces indications ? Seul le critère géographique me paraît pertinent, en éliminant les peuples trop éloignés dont il n'est jamais question dans les récits : Alix est un Eduen, c'est l'hypothèse la plus vraisemblable. Ce peuple étant romanisé depuis longtemps, Alix n'aura pas beaucoup d'efforts à faire pour devenir citoyen romain par adoption.
Fils de chef gaulois, Alix appartient donc à une famille aristocratique celte. Ces nobles possèdent la terre que des paysans cultivent pour eux. Autour des nobles gravitent leurs « clients », les ambactes : guerriers sans fortune, paysans ou artisans à qui le noble donne des biens ou des denrées en échange d'un service militaire. Les nobles choisissent parmi eux leur roi ou leur magistrat suprême, le vergobret ; ceux-ci sont élus et leur charge n'est pas, en principe, héréditaire.
Seuls les nobles sont assez riches pour posséder des chevaux et disposent d'assez de temps pour recevoir un entraînement militaire très poussé. Du point de vue de l'équipement, rien ne ressemble plus à un légionnaire romain qu'un guerrier gaulois, d'autant plus que les Celtes, habiles métallurgistes, approvisionnent toutes les armées ; ce sont eux qui ont inventé la cotte de mailles, que portent tous les soldats de l'époque.
On voit donc qu'Alix était bien placé pour recevoir une bonne formation aux armes et à l'équitation ; il reçut également une bonne culture générale, puisqu'on le voit s'exprimer sans difficultés en grec et en latin. A son époque, les druides n'étant déjà plus chargés de l'éducation des jeunes nobles; il est probable qu'il a disposé d'un précepteur ( grec, naturellement ), et d'un maître d'armes. Comme il devait en outre avoir quelques loisirs, je suppose qu'il ne les consacrait pas seulement à la chasse, et c'est certainement là qu'il apprit, pour s'amuser, à si bien conduire les chars et aussi à combattre comme un gladiateur. En effet, ces deux « métiers », bien que parfois occupés par des hommes libres étaient considérés comme des métiers d'esclave, déshonorants pour un citoyen de haute lignée ; mais ceux-ci se distrayaient parfois en s'entraînant et en cherchant des émotions, sûrement pas pour faire carrière (comme on le voit dans Timour), d'autant plus que l'armement et les méthodes de combat n'avaient rien à voir avec ceux des militaires.
Tout cela a donc bien occupé Alix jusqu'à son adolescence et il est en pleine possession de ses moyens lorsque nous le trouvons lancé dans ses aventures : il aurait pu avoir une moins bonne préparation à ce qu'il allait vivre !
Comment Alix s'est-il retrouvé en orient? Il paraît difficile de retenir la version de Galla, qui est là pour renforcer l'aspect romanesque et dramatique du récit, mais qui se trouve corrigée par la suite, ainsi que l'appartenance d'Alix à un autre peuple que celui des Eduens, que rien ne vient appuyer. L'hypothèse la plus probable est que des membres de sa famille, ou de son clan, se sont engagés volontairement comme cavaliers mercenaires dans l'armée de Crassus, peut-être sur l'instigation de Galla et de César ; ce dernier devait « rembourser » Crassus, qui avait payé une partie de ses dettes, en lui fournissant un contingent de cavalerie levé en Gaule. Il n'y avait pas eu de contrainte, mais seulement l'attrait du butin. On sait que les choses, à Carrhes, se sont mal terminées pour les Gaulois comme pour les Romains, mais sans cela, il n'y aurait pas eu d'aventures d'Alix. Et voilà comment celui-ci s'est retrouvé vraisemblablement prisonnier de guerre, ce qui, à l'époque, était synonyme d'esclave, sauf si une rançon pouvait être payée.
De noble gaulois, Alix est devenu un noble romain après son adoption (parcours identique à Ben-Hur qui de noble juif devient un aristocrate romain après avoir été adopté) car il appartient désormais, selon toute vraisemblance, à la classe équestre ; les chevaliers étaient ceux qui, à l'origine, devaient le service militaire à cheval, considéré à juste titre comme le plus onéreux. Pour être chevalier, il fallait posséder 400 000 sesterces de biens fonciers, comme pour les sénateurs, mais à la différence de ceux-ci, les chevaliers pouvaient librement investir et commercer, et ils ne s'en faisaient pas faute. Au fil du temps, ils obtinrent les mêmes pouvoirs que les sénateurs, et ils purent défendre leurs intérêts dans toutes les instances de la vie publique et économique. Sans cela, Galla n'aurait pas été général en Gaule, ni gouverneur à Rhodes.
Tout cela n'est pas dit, ni montré, mais peut se déduire du train de vie apparent d'Alix à Rome, ainsi que de ses relations sociales. On ne voit que sa maison familiale de Rome, mais on sait qu'il doit posséder également des biens fonciers, sans doute des fermes en Italie, et probablement aussi des parts dans des fabriques ou des navires. En tout cas, il est visiblement à l'aise, à la différence d'Enak (dont on fera connaissance dans l'album suivant, le sphynx d'or), qui ne possède rien, sauf son titre ( discutable ) de « prince », et qui ne subsiste que grâce à la générosité de son ami.
Toutefois, Alix n'est pas patricien, contrairement à ce qui est parfois dit, tout simplement parce qu'un nom de patricien se termine obligatoirement en « ius », mais le nom en « ius » ne suffit pas pour faire un patricien : ainsi, C. Julius César et M. Licinius Crassus sont patriciens, mais C. Pompéius Magnus n'est que chevalier. Un Graccus n'est donc pas patricien ; à cette époque, il ne restait qu'une quinzaine de familles ( gens ) patriciennes, avec toutefois de nombreuses branches, soit quelques centaines de personnes seulement. Cela n'empêchait pas qu'on pouvait être noble tout en étant issu de la plèbe, comme l'étaient de nombreux chevaliers : la nobilitas s'acquérait par l'exercice de magistratures lorsqu'on était élu consul, prêteur, censeur, questeur ou édile. Il ne faut pas non plus confondre son nom avec celui de Tibérius et Caïus Gracchus, les célèbres « Gracques », qui vivaient au siècle précédent et dont le nom de famille était d'ailleurs Sempronius, Gracchus n'étant que leur surnom ( cognomen ).
Alix l'intrépide est en fait un album séminal, à la construction hâtive et aux idées multiples. Le récit frappe par son dynamisme et son enthousiasme, maisaussi quelques inexactitudes (j'ai déjà évoqué la curieuse présence de Pompée et César ensemble au cirque Maxime). L'auteur a tout mis dans ce premier récit où il devait faire ses preuves : des personnages historiques, un héros exemplaire, un méchant à la fois dangereux et séduisant, un monde antique richement documenté, des affrontements dramatiques et un magnifique voyage à travers la Méditerrannée.


 
 
Alix : si son aspect physique n'est pas encore celui auquel les albums suivants nous habitueront, son caractère est déjà bien affirmé et s'étoffe au fil des pages. D'abord simplement soucieux de sa survie, ce qui est légitime, il gagne en audace au fur et à mesure que les événements se précipitent à sa rencontre, et on découvre vite qu'il sait être altruiste et dévoué. Il est bientôt confronté à des questions politiques qui le dépassent un peu, mais desquelles il se tire honorablement. Dès qu'il s'agit d'action, on le sent à son affaire, mais chez lui, la réflexion approfondie entraîne parfois le doute. C'est pourquoi il tient encore aux images paternelles réconfortantes, comme Galla, Toraya, voire César, qui compensent l'inexpérience de sa jeunesse. Fort heureusement pour lui, il ne désespère jamais.
 
Et, par ordre d'entrée en scène :
 
Marsalla : voilà un général romain fort soucieux de ses intérêts et peu regardant sur le choix des moyens ; il faut dire qu'il était à bonne école : son chef Crassus ne venait-il pas de passer plusieurs mois à piller la région ? Son équipée à Khorsabad est du même ordre, tout comme elle signifie pour lui le début des ennuis : il ne va plus cesser de s'enfoncer, malgré l'alliance avec Pompée, vers une issue fatale. Pour avoir voulu s'enrichir au lieu de combattre, cet homme peu scrupuleux est devenu un perdant.
 
Suréna : le général des Parthes est aussi le premier ministre de son roi, Orodès II. On ne sait pas avec certitude si Suréna est son nom ou son titre : les historiens penchent plutôt pour la seconde solution, ce qui voudrait dire « général en chef ». C'est un personnage conscient de sa valeur, et on comprend pourquoi : battre l'armée romaine n'est pas à la portée de tout un chacun, mais il sait reconnaître la valeur d'autrui quand il la rencontre en la personne d'Alix, et le grand seigneur devient comme un compagnon d'armes. Orodès, jaloux de ses succès contre les Romains et les Arméniens, le fera assassiner ( voir l'album : C'était à Khorsabad ). En dehors de Jacques Martin, peu d'auteurs se sont intéressés à lui ; seul, Pierre Corneille lui a consacré sa dernière tragédie, en 1674 : ce n'est pas son chef d'œuvre, mais quel beau français !
 
Marcus : « le plus vaillant officier de l'invincible armée romaine » selon Arbacès, mais il ne faut jamais croire Arbacès ! Il est surtout vaillant devant des adversaires moins bien armés que lui. C'est aussi un combinard, comme son chef Marsalla, avec lequel il cherche désespérément à se sortir du guêpier où il se sont fourrés par esprit de lucre, et malgré ses efforts, il n'y réussira pas plus que lui.
 
Toraya : ce sympathique colosse est ému par la détresse d'Alix, qui lui rappelle son fils disparu. Il profite de cet incident pour régler quelques comptes avec son chef, n'étant pas d'accord avec sa conception de l'accueil des étrangers. N'ayant plus rien à perdre après son esclandre, il s'enfuit avec son protégé, et un séisme leur apportera une aide opportune. Par la suite, il partagera un temps le destin d'Alix et tombera, victime de son dévouement, en essayant de le tirer d'affaire une nouvelle fois. Il représente l'une de ces figures paternelles qu'Alix rencontre de temps à autre et qui viennent compenser la disparition de sa lignée naturelle.
 
Quintus Arenus : le proconsul de Trébizonde ne fait que passer, mais il représente bien le magistrat romain de l'époque : tout puissant et sûr de son fait,mais ne dédaignant pas à l'occasion un petit pourboire. Alix le retrouvera dans : La chute d'Icare et Roma, Roma.
 
Arbacès : c'est bien connu, une histoire est d'autant meilleure que le méchant est parfait ! Celui-ci commence sur un mode mineur, connaît quelques déboires avec la concurrence, et termine avec une montée en puissance tout à fait remarquable, et on n'a pas encore tout vu. Le voilà devenu l'homme de confiance de Pompée, qu'il semble connaître de longue date. On peut d'ailleurs se demander pourquoi il exerce tout d'abord ses talents si loin de son patron,mais il faut se souvenir que Pompée avait combattu en Orient contre Mithridate, de -66 à -62, pour soumettre les territoires anatoliens devenus provinces romaines ; leur complicité doit venir de là. Avide et sans scrupules, il rebondit à chaque fois qu'on le croit abattu, toujours pour retrouver sur son chemin cet Alix à qui il ne fait pas de cadeau ( il lui en a pourtant fait un d'importance : sa fameuse tunique rouge dont on peut voir le premier exemplaire page 22 ! ). Le nom d'Arbacès a déjà servi pour un autre « méchant » : le prêtre égyptien des « Derniers jours de Pompéi », roman écrit par Bulwer Lytton en 1834.
 
Honorus Graccus Galla : c'est, selon toute évidence, un brave homme que la seule trahison qu'il ait commise dans sa vie obsède jusqu'à la fin. Quand il a l'occasion d'offrir une compensation à celui qu'il a lésé, il n'hésite plus et donne à Alix une famille, un nom, une fortune et la considération. Ce n'est pas rien, et son souvenir servira souvent de caution à Alix par la suite. Mais il disparaît très vite, laissant Alix orphelin pour la seconde fois.
 
Rufus : cet agent de César est un officier dévoué et efficace, tout le contraire de Marcus quant à la mentalité. Il sait toujours ce qu'il a à faire et le fait bien sans se poser de questions.
 
Les personnages historiques : Pompée, César, Labiénus : à l'époque où se déroule la seconde partie de cette histoire, au milieu de l'année -52, Pompée est seul à Rome.
En effet, depuis sa nomination en -59 comme proconsul de Gaule Cisalpine, Gaule Transalpine et Illyrie, et jusqu'au passage du Rubicon le 12 janvier -49, César ne remet pas les pieds à Rome. Il risquait d'être mis en cause devant la justice pour des accusations d'illégalités commises pendant son consulat, maisla Lex Memmia interdisait toute poursuite contre un citoyen absent de Rome pour le service de la République, à condition qu'il ne revienne pas dans la ville. Les affaires de César étaient alors gérées à Rome par son secrétaire, le chevalier d'origine espagnole Lucius Cornélius Balbus.
Quant à Labiénus, adjoint de César en Gaule, il n'a pas non plus quitté ce pays ; on trouvera son portrait dans : La cité engloutie.
Alix n'aurait donc pas pu, dans la réalité, rencontrer César à Rome, mais le roman permet tout, à commencer par faire passer Pompée pour un infâme conspirateur, et ça ne s'arrangera pas dans les récits suivants. Pourtant, Pompée n'aurait pas eu besoin de jouer un tel rôle.
Pourvu de la gloire militaire à la suite de ses campagnes en Espagne contre Sertorius, en Orient contre Mithridate et contre les pirates, Pompée était riche et immensément populaire. Mais ce n'était pas un tribun, seulement, pour son malheur, un politicien maladroit, hésitant et mal conseillé. Pour l'instant, il cherchait plutôt les accommodements avec César et ne rompit réellement avec lui qu'après le coup de force du Rubicon qui allait entraîner la guerre civile.
César, lui, est un politicien dans l'âme depuis toujours. Patricien ruiné et endetté, il s'est enrichi au fil de ses campagnes, en particulier celle dans les Gaules. Il y a aussi gagné une armée puissante, entraînée, disciplinée et obéissante, et, pour lui-même, un immense prestige. Quand il faudra foncer, devant un Pompée peu sûr de lui, il foncera, et gagnera, mais son destin le rattrapera vite. Parfois débonnaire, parfois cruel, César était un personnage complexe dont c'est plutôt l'aspect positif et sympathique, soucieux du sort de Rome, qui nous est présenté ici quand il prend Alix à son service.
 
 
Conclusion : cette première aventure d'Alix est un peu l'ébauche de ce qui viendra ensuite, même si les principaux caractères, à commencer par celui du héros, y sont déjà. Plus tard, les scénarios seront plus serrés et le dessin perdra de sa rigidité. Mais tous les ingrédients y sont, de l'arrière-plan historique soigné, aux études physiques et psychologiques des personnages.

 

6 mars 2020

La cathédrale, une aventure de Jhen dessinées par Jean Pleyers sur un scénario de Jacques Martin

La cathédrale, une aventure de Jhen dessinées par Jean Pleyers sur un scénario de Jacques Martin

Une double expérience récente, d'abord la découverte de la cathédrale de Strasbourg, puis la visite d'une exposition autour de l'oeuvre de Jacques Martin dans une galerie parisienne m'a fait explorer ma bibliothèque pour en exhumer un album de bandes dessinée intitulé La cathédrale. Il est dessiné par Jean Pleyers sur un scénario de Jacques Martin. Cette aventure de Jhen se passe principalement dans et aux alentours de la cathédrale de Strasbourg. 

Pour ceux qui ne connaitraient pas Jhen, un petit rappel: Jhen" (appelé "Xan" dans les deux premiers volumes de la saga qui lui est cosacrée), est un jeune architecte italien (selon Jean Players, il a 25 ans en 1431 lorsque Jeanne meurt sur le bucher). Il vit donc en plein  Moyen Age européen. La série déjà plus d'une quinzaine d'albums, avec une majorité dessinée par Pleyers.

Aventures de Jhen (scénario Jacques Martin et dessin Jean Pleyers, jusqu’au N° 9)

1. L'Or de la Mort (1984) 
2. Jehanne de France (1985) 
3. Barbe bleue (1984) 
4. Les écorcheurs (1984) 
5. La cathédrale (1985) 
6. Le lys et l'ogre (1986) 
7. L'Alchimiste (1989) 
8. Le secret des Templiers (1990) 
9. L'archange (2000) 
10. Les sorcières (dessins Thierry Cayman, scénario Hugues Payen d'après un synopsis de J. Martin) (2008) 
11. La sérénissime (dessin Pleyers, scénario Payen, d'après un synopsis de J. Martin) (2009)
12. Le Grand Duc d’Occident (dessin Cayman, scénario Payen) (2011)
13. L’ombre des Cathares (dessin Pleyers, scénario Payen) (février 2012)
14. Draculea (dessin Pleyers, scénario Cornette et Frissen) (octobre 2013)

15. Les Portes de Fer, scénario Cornette et Frissen. dessin Paul Teng (2015)

3. Voyages de Jhen

1. Les Baux de Provence (Yves Plateau et Benoît Fauviaux) (2005) 
2. Paris - Notre-Dame (Yves Plateau) (2006) 
3. Carcassonne (Nicolas Van De Walle) (2006) 
4. Le Haut-Koenigsbourg (Yves Plateau) (2006) 
5. Venise (Enrico Sallustio) (2007) 
6. Strasbourg (texte Jacques Martin et Roland Oberlé, dessin Muriel Chacon) (2008) 
7. Les Templiers (Marco Venanzi) (2008) 
8. Gilles de Rais (Jean Pleyers) (2008) 
9. Paris, ville fortifiée (volume 2) (Yves Plateau) (2009)
10. L'abbaye de Villers-la-Ville (Yves Plateau) (2010)
11. Bruxelles (Nicolas Van de Walle) (janvier 2011)
12. Bruges (Ferry) (mai 2011)
13. Le Mont-Saint-Michel (Yves Plateau) (mars 2012)

En outre Jacques Martin au cours de différentes interview a évoqué les scénarios suivants:

- « Le Boyard Fou » : une poursuite de Moscou à Venise
- « Le Diable Baron » : un tournant dans les relations qu’entretiennent Jhen et Gilles de Rais (de plus en plus soumis à des influences démoniaques)
- « Le Campeador » : les horreurs des guerres religieuses dans le sud de l’Espagne
- « le Condotierre » : intrigues au Vatican

 

La cathédrale de Strasbourg
 

Si la cathédrale joue un rôle important. Elle représente surtout un somptueux décor. Malheureusement le livre ne s'intéresse pas trop à sa construction même si Jhen y travaille comme architecte. Pleyers ne la dessine d'ailleurs pas en entier et préfère nous montrer sa façade ou sa pointe inachevée, en utilisant souvent des plans dynamiques (plongées acrobatiques, contre plongées vertigineuses etc ...) 

 

 

 

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Le véritable sujet du livre, ce sont les deux châteaux d'Ottrot, près du Mont Sainte Odile. Le récit se passe en fait près d'Obernai et Jacques Martin s'intéresse à l'histoire des lieux de son enfance. Deux familles rivales vivent dans des châteaux voisins, séparés par environ 500 mètres et l'intrigue se concentre sur l'amour impossible de deux adolescents issus des clans ennemis (un remake de Roméo et Juliette). Il nous raconte aussi les manoeuvres louches de l'évêque de Strasbourg qui essaie de vendre ces forteresses à l'Empire Romain Germanique.

 







 

L'intrigue n'est pas réellement passionnante. Le début de l'histoire expose un mystère que Jhen arrivera facilement à résoudre et on n'y trouve pas cette tension qui existe dans les autres albums. Gilles de Rais est absent et il cela modifie l'ambiance de la série. L'album est assez contemplatif mais on a du plaisir à découvrir ce monde médiéval. Pleyers dessine avec finesse les rues de Strasbourg ou l'intérieur de la cathédrale.





Dans une interview, Jacques Martin avoue qu'il avait eu surtout du plaisir à reconstituer la ville de Strasbourg telle qu'elle était au Moyen Age. Ce gros travail n'apparait toutefois que dans quelques cases disséminées et il n'y a pas de case qui nous montre l'ensemble de la ville. Il y a seulement quelques illustrations comme celle immédiatement ci-dessous.





Par certains côtés, on peut rapprocher cet album de "L'arme absolue". il y a dans les deux cas un aller-retour entre le château (Chillon ou Otrott) et la ville (Strasbourg ou Sion). Il y a aussi cet intérêt pour une histoire bien enracinée dans une région (l'Alsace, le Valais) et richement documentée en faits authentiques. Les villes et les châteaux de l'époque sont magnifiquement dessinés. Jacques Martin se promène sur les lieux de son enfance et imagine une histoire, mais le charme de la reconstitution est plus important que le suspense du récit. Ce voyage dans le passé fait aussi un peu penser à l'histoire des "Sorcières". C'est un album un peu à part dans l'oeuvre de Jacques Martin c'est un de ceux où l'on trouve le plus de sensibilité avec cette histoire d'amour impossible rappelant Roméo et Juliette.

Il faut remarquer qu'il y a pas mal de scènes assez lestes dans les histoires de Jhen (voir la séquence immédiatement ci-dessous). Est-ce que cela tient à la personnalité de Pleyers? Car Jacques Martin introduit peu ce genre de scène dans ses autres séries.



 

Mais il ne faut pas oublier que Jacques Martin fut obligé pendant la plus grande partie de sa carrière de subir une censure implacable sur le sujet (presse enfantine oblige).
Jhen est né bien après la révolution des moeurs 
Jacques Martin à évoqué ce sujet et a expliqué sa position, notamment à propos de Malua dans "Les proies du volcan", où il avait du tricher tout au long de l'album pour masquer la nudité naturelle de la jeune sauvageonne, et l'astuce qu'il a prise pour sortir les dernières planches de cet album, faites telles qu'il les voulaient .

 

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