Le Bouclier d'Achille de Marc Jailloux et Roger Seiter

Alors que César et Pompée s'affrontent en Grèce, une découverte pourrait bien sceller la victoire de l'un ou de l'autre... ou déclencher la révolte du peuple grec. Inspiré par le récit d'Homère. D'Epidaure à Nauplie, on parcourt la Grèce sur les traces de la Guerre de Troie et son héros, armé par les Dieux pour retourner au combat. Jacques Martin disait que s'il avait créé Alix à la fin du XXème siècle, il l'aurait fait grec.

Le titre de l'album se réfère à un épisode de l'Iliade, celui du refus d'Achille d'aller combattre les troyens, parce qu'il était en colère contre Agamemnon. Son ami Patrocle prend alors l'armure et les armes d'Achille pour aller combattre les troyens, mais il est tué par Hector qui s'empare des armes d'Achille. La mère d'Achile, qui était une déesse, demande ensuite à Héphaistos de lui forger de nouvelles armes ainsi que le fameux bouclier qui est resté célèbre, puisqu'il est d'origine divine. 

Le bouclier d'Achille est une variation sur le thème de l'impossible renaissance de la Grèce dominée par Rome, Jacque Martin avait déjà exploré ce sujet dans Le dernier Spartiate auquel Le bouclier d'Achille fait explicitement référence, et poursuivi dans Le cheval de Troie avec lequel Le Bouclier d'Achille entre aussi en écho. Alix Senator avait egalement montré dans  Les Démons de Sparte une Grèce abimée. 

Le scénario tisse habilement une relation à l'oeuvre d'Homère comme dans Le cheval de Troie, par l'intermédiaire d'un texte mystérieux, qui aurait peut-être été écrit de la main d'Ulysse et de relier son secret aux préoccupations de la politique contemporaine du moment où se déroule l'action, peu avant la célèbre et décisive bataille de Pharsale qui donnera l'avantage à César. Le contexte historique est donc très précis. Le scénariste a eu la bonne idée d'insérer dans son récit quelques petites explications historiques (en images). Ces "récits dans le récit" sont un grand classique des albums martiniens. C'est donc aux lisières de ce grand événement militaire à venir que se situe l'intrigue et nous reconnaissons là le goût de Roger Seiter pour les moments charnières de l'Histoire situés juste avant un événement majeur, que nous avions pu voir dans la série Lefranc, par exemple avec son Cuba Libre, ou L'Homme oiseau, pour citer deux albums caractéristiques de cet intérêt.

La quête d'un trésor mythique, le déchiffrement d'un texte archaïque qui en livre le secret et dévoile le moyen de parvenir à son emplacement, les nostalgies du passé et le sentiment de son irrémédiable perte, les intrications entre groupes rivaux aux intentions parfois voisines mais opposées, le grand retour d'un ennemi de toujours que les continuateurs avaient à juste titre délaissé et dont la réapparition après de nombreux albums permet de redonner à sa présence une fraîcheur autrefois perdue,ce dense scénario fait de cet album un bon Alix. 

Le dessin de Marc Jailloux excellent dans les architectures antique, Le tombeau d'Achille est de ce point de vue exemplaire, les paysages également bien maitrisés offrent de belles pauses visuelles dans le récit. Mais Marc Jailloux n'est toujours pas au point quant aux anatomies des personnages. Je lui conseillerais de faire comme David de commencer par dessiner ses personnages nus puis de les habiller mais faudrait-il que le dessinateur soit maitre dans le dessin anatomique ce qui n'est certainement pas le cas... Les couleurs de Florence Fantini donnent à cet album toute sa beauté dramatique, voire tragique. Le découpage des pages est judicieux car beaucoup de vastes cases permettent de donner à l'histoire et aux lieux de son déroulement, toute l'ampleur d'une dramaturgie épique. 

Comments

[Bruno]

Merci pour cette agréable recension. Une minuscule remarque, uniquement pour montrer que je vous lis avec intérêt et attention :

Vous écrivez : "Marc Jailloux n'est toujours pas au point quant aux anatomies des personnages. Je lui conseillerais de faire comme David de commencer par dessiner ses personnages nus"

mais la plage "à la palestre" de la page 27, je crois, tente l'exercice...



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