Yves Paradis
Close un film de Lukas Dhont
La première chose qu’il faut dire est que la vision de Close est une épreuve. Certes je suis une mauviette et un coeur d’artichaut mais j’ai passé la seconde moitié du film à tenter de retenir mes larmes. Le cinéaste aurait pu abréger notre douleur d’un quart d’heure, le film en aurait été que meilleur.
Maintenant je conseille à ceux qui n’ont pas encore vu le film et veulent le voir, de ne pas aller plus loin dans la lecture de ce billet car je vais gravement déflorer le scénario de Close.
Tout d’abord il y a l’été, dans la campagne belge, les vacances, deux garçons s’aiment d’amour tendre. Il y a Rémi le brun (Gustav de Waele) et Léo le blond (Eden Dambrine). Amis depuis toujours, Ils sont plus que des frères. Ils sont aussi voisin, leurs familles habitent près l’une de l’autre. Ils ont environs douze ans. Bientôt c’est la rentrée. Ils intègre le collège. Leur amitié fusionnelle interroge et même provoque l’hostilité chez quelques un de leurs camarades. Mais une sorte de boutade lancé par une camarade un anodin: « Vous êtes ensemble ? » va profondément déstabiliser Léo, faire qu’il va s’interroger sur le sens des petits gestes d’affection qu’ils échangent. Est ce la peur d’être jugé trop féminin Léo, petit à petit s’éloigne de Rémi. Léo choisit d’entrer dans l’équipe de hockey sur glace du collège. Un sport brutale en opposition avec l’amour de la musique de Rémi (?). Même s’il n’abandonne pas Rémi, Léo fréquente d’autres garçons. Rémi en est jaloux. Il voudrait Léo pour lui tout seul. Le fossé devient de plus en plus grand entre les deux amis. Rémi ne pouvant le supporter se tue. Léo est désespéré et tente en vain tout les subterfuges pour oublier Rémi mais il lui manque trop.
C’est ce j’ai vu dans ce film qui fait passer cette histoire tragique presque uniquement par les images qui sont belles et pudiques. C’est en cela que Lukas Dhont est un grand cinéaste. Il a confiance en l’image. Certes il est bien servi par son chef opérateur, Frank van den Eeden qui jouant subtilement sur les couleurs des saisons parvient à matérialiser la durée de l’intrigue soit environ une année scolaire. Si les gros plans sur les visages, en particulier sur ceux des deux garçons sont privilégiés se que l’on retient surtout c’est la magnificence des travellings des garçons courant dans les champs de fleurs mais encore plus ceux où l’on voit les deux amis faire la course montés sur leur bicyclette. Si bien qu’un autre spectateur pourrait avoir une compréhension légèrement différente de l’intrigue. On peut être bouleversé par « Close » sans entendre un mot du dialogue qui n’est vraiment significatif que dans une scène. La densité de l’image parvient à nous faire ressentir ce qui se passe dans la tête des personnages.
L’absence d’explications, de voix of ou de dialogue signifiant fait que l’on comprend certains éléments de l’intrigue bien après leur première apparition sur l’écran. Ainsi on ne comprend pas d’emblée que les parents de Léo sont pépiniéristes. Il font pousser des fleurs. Ce métier d’une part permet de réaliser de belle images comme la course des deux garçons dans un champ de fleurs et d’autre part, peut induire que Léo qui aide ses parents dans le travail des fleurs est près de la terre, on le voit les mains maculées de glaise, qu’il est près du concret plus que Rémi qui a la tête dans la musique et dans ses rêves.
Close est un film qui oblige, par sa construction, son spectateur à réfléchir, pendant et surtout après avoir vu le film
Peu informé verbalement sur ce qu’il voit sur l’écran, le spectateur se posera beaucoup de questions dont la plupart ne trouveront pas de réponses; comme celles que se posent les parents de Rémi sur les causes du suicide de leur fils. L’une des interrogations qui immédiatement s’est imposée à moi après avoir vu tout le film, est pourquoi la mère de Rémi réagit avec tant de violence lorsque son fils s’enferme à clé dans la salle de bain, salle de bain où elle découvrira quelques semaines plus tard le corps sans vie de son fils. Le garçon aurait-il déjà fait une tentative de suicide? Ce qui pourrait expliquer la réaction violente de Léo lorsqu’un de ses camarades de classe lui dit que Rémi avait toujours l’air heureux. Léo lui rétorque avec hargne qu’il n’avait pas le droit de dire cela, qu’il n’en savait rien. Qu’est ce que Léo savait du mal être de son ami? Mais alors son éloignement de Rémi ne serait pas le seul motif de la funeste décision prise par son ami? Mais dans ce cas pourquoi endosse t-il la responsabilité de la mort de Rémi? En définitive ce qui a déclenché l’acte suicidaire du garçon reste mystérieux, ce qui est presque toujours le cas lors d’un suicide. Entre Léo et Rémi il ne s’agissait pas à priori d’une rupture définitive mais plutôt d’une brouille. Rémi semblait avoir des parents attentionnés et aimants. Il avait subit des moqueries au collège mais pas plus que d’autres, ce qui est montré, et avait fini par bien s’intégrer dans le groupe… On peut être également surpris de la proximité de Rémi avec son frère ainé (Igor Van Dessel très bien aussi dans ce rôle opaque); s’interroger sur le couple que forme les parents de Rémi… etc… etc…
La beauté des deux garçons irradie. Beauté qui fait fructifier l’excellence de leur qualité d’acteur. Comme celles du reste du casting qui est excellent, une mention spéciale à Émilie Dequenne bouleversante en mère de Rémi.
Le film aborde un thème presque jamais traité au cinéma et ni ailleurs l’amour entre deux enfants, en fait ici deux pré-ados et un autre presque aussi tabou qui à ma connaissance n’avait été jusqu’à »ici brisé que par « La chambre du fils » de Moretti, l’impossibilité de « faire son deuil » expression détestable on ferait son deuil comme on ferait caca. On tirerait la chasse d’eau et fini. Ceux qui ont inventé ce fallacieux concept ne savent pas ce que signifie perdre un être que l’on a aimé sans doute ne savent ils pas ce que c’est qu’aimer… La dernière scène du film suggère que Léo n’oubliera jamais Rémi. Oh certes il n’y pensera pas à chaque instant de sa vie. Mais durant toute la marche de son existence qu’on espère longue pour lui il sentira cette perte comme un caillou dans sa chaussure et cela jusqu’à son dernier pas…
Ricardo Cinalli
- Figures dans un paysage, détail d'un diptyque;
- «La Cruz del Sur», un détail de la peinture murale de Laguna del Sauce, Uruguay et du Duomo di Terni, 2007
Ricardo Cinalli, né en 1948, de Froylan Palacios dans la province de Santa Fe, est un artiste argentin maintenant basé à Londres. Il peint une œuvre contemporaine à partir de dessins et de peintures intemporels qui sont tous d'inspiration néoclassique distinctive.
Mercure, Hendrick Goltzius, 1611
Je suis toujours surpris quand sur une toile ancienne, je découvre un garçon dont la physionomie me parait si actuelle que j'ai l'impression de l'avoir croisé hier dans le métro.
Remords 1875 par Louis Baader (1828-1920)
'Remords'. 1875 par Louis Baader (1828-1920). Musée d'Orsay, Paris. huile sur toile
Baader dépeint un épisode de la vie d'Oreste, après avoir vengé le meurtre de son père, Agamemnon, en tuant sa mère Clytemnestra et son amant Egisthe. Oreste semble transpercé par le remord à la vue des corps. Il esttourmenté par les Furies, déesses de la vengeance.