LORSQUE EGERMEIER PHOTOGRAPHIAIT L'INTIMITÉ DE ROGER PEYREFITTE ET D'HENRY DE MONTHERLANT
Roger Peyrefitte et Roro en 1939, vraissemblablement aux Tuileries
Roger Peyrefitte, une après midi d'avril 1938, reconnait Henry de Montherlant dans une kermesse (lieu fréquenté alors par les jeunes garçons). Il l'aborde. << Cette rencontre dont Peyrefitte parlera plus tard comme la chance de sa vie marque le début d'une amitié de près de trente ans, entrecoupée de brouilles et de réconciliations.>> Antoine Delery - Roger Peyrefitte, le sulfureux -
<< Henry de Montherlant a quarante-deux ans. Il est ramassé avec quelque chose d'athlétique, Peyrefitte - trente deux ans - est longiligne, aérien. Un sanglier avec une hirondelle. >> Pierre Sipriot - Montherlant sans masque -
Peyrefitte présente, probablement peu de temps après leur rencontre, à Montherlant Karel Egermeier dont les photos illustrent les calendriers des scouts de France. << Montherlant est enthousiasmé par les photographies d'adolescents en culottes courtes, aux torse musclés, et les deux compères imaginent ensemble l'édition illustrée de "Paysages des Olympiques". >> Antoine Delery - Roger Peyrefitte, le sulfureux -
Roger Peyrefitte et Roro
<< En décembre 1938 Montherlant a "levé" un jeune garçon de quatorze ans prénommé Edouard (ou Edmond si on se réfère à Roger Peyrefitte dans ses Propos secret I. Ce dernier prénom me parait plus probable en regard de la classe sociale du garçon...). Doudou pour les intimes. Le frère cadet de Doudou, Roland dit Roro, onze ans, est dévolu à Roger Peyrefitte. C'est un lien tout platonique.
Peyrefitte prend très au sérieux son rôle de "tuteur" de Roro: << J'avais fait en juillet 39, opérer le génant phimosis de Roro (...) Je m'étais pris d'une véritable affection pour RoRo. Ma liaison avec Roro s'était faites sous les mêmes auspices que celle de Montherlant avec Doudou, c'est à dire que je contribuais à l'entretien de la mère. >> Henry de Montherlant - Roger Peyrefitte, correspondance, page 61, éditions Robert Laffont
Pour vivre à l'aise cette aventure, la mère doit être complice. Il faut la rencontrer. Roger Peyrefitte insiste (...) Après avoir hésité longtemps, Montherlant se jette à l'eau au début de mars 1939. Il va rencontrer la mère.>> Pierre Sipriot - Montherlant sans masque -
<< Elle vivait modestement dans un petit hôtel de la rue d'Orsel. Nous l'avons invité à déjeuner dans un restaurant, place du Delta. Ses resources étaient minces. Elle vivotait en faisant de la représentation de boutique en boutique, à partir de ce moment là, nous l'avons sérieusement aidée.>> Roger Peyrefitte - Propos secrets I -
Sur cette photo, Doudou joue avec le masque avec lequel Montherlant sera photographié quelques temps plus tard par Mangeot, le photographe de Paris-Match. Montherlant avait songé à être recouvert de ce masque après sa mort. (page 183 de l'album de la Pleiade Montherlant).
ce qui est amusant c'est que ces images de Doudou quai Voltaire contredisent Roger Peyrefitte lui même; puisqu'il commentait ainsi une lettre de Montherlant dans le volume consacré à la correspondance des deux hommes: << Quai Voltaire, où il habita après 1939, il ne reçut jamais aucun garçon. Sa garçonnière, bien digne de ce nom; était rue de V. (Rue de Verneuil, donc selon Sipriot) - page 41, note signé Roger Peyrefitte.
<< Je viens de découronner ou couronner une jeune pouliche dodue, parfaitement complaisante, à la vulve élastique et qui promet (la vulve). Elle s'est laissé faire avec courage. Par ailleurs, elle a fait marcher ses grandes eaux deux fois en trois quarts d'heure, ce qui est très bien. >> dimanche 1938
Lettre de Montherlant à Peyrefitte dans laquelle en langage codé mais pas très difficile à décrypter, il raconte sa première fois avec Doudou...
Doudou chez Henry de Montherlant parmi les antiques de l'écrivain, été 39?
<< Egermeier, surnommé l'aiglon, en référence à son totem scout, a réalisé plusieurs centaines de clichés pour ce livre, dont 87 seront finalement retenus. Parmi les jeunes modèles du tchèque figurent les amis en titre des deux hommes, Roland, Edouard et Jacques P.>> Antoine Delery - Roger Peyrefitte, le sulfureux -
Que Doudou et Roro qui ne sont pas sportifs aient posé pour le livre fait dire à Montherlant qu'en France tout est faux.
D'après Sipriot Doudou est le jeune footballeur, illustration 163 de la page 99 de l'album Montherlant de La Pleiade, pourtant ce garçon ne ressemble pas à celui qui joue avec les antiques de l'écrivain dans les deux clichés immédiatement ci-dessus.
Doudou chez Henry de Montherlant, été 39 ?
Lorsqu'à l'été 1940 après l'exode Montherlant se retrouve à Marseille sans nouvelle de la famille N, ni de Roger Peyrefitte qui les avait sous sa garde, il est dévoré d'inquiétude. << Le 17 juillet, Montherlant reçoit enfin une lettre qui le rassure. Ils sont vivants. Aussitôt Montherlant écrit à un ami en grosse lettre qui occupe toute la page: JE PLEURE DE JOIE. "Tous les miens sont retrouvés SAUF, en zone non occupée (assez près d'ici). Joie folle mais je n'ose encore.>>
<< Les N sont à Tulle et sans subsides. Montherlant pourvoit aux frais d'entretien et de voyage. Il veut faire plus: les adopter... Il écrit à Roger Peyrefitte le 21 juillet: "Je compte m'attacher davantage à cette famille et vous conseille de faire de même. >> Pierre Sipriot - Montherlant sans masque -
Roro
Après une sombre affaire judiciaire où la mère est impliquée à Tulle. Les retrouvailles avec les deux garçons seront décevantes
<< Montherlant vivra plusieurs années en intimité avec cette famille. En 1940-1941, il vivra pendant plusieurs années avec cette famille à Nice. lui à l'hôtel de Berne, la mère et les enfants dans un meublé, avenue Georges Clémenceau. Dans les premiers mois de 1941, Montherlant va deux fois par semaine voir Doudou et Roro qu'il trouve mal élevés. Quand ils se chamaillent pas avec lui, ils conspirent pour le ruiner. C'est vraiment encore la famille sauterelle qui dévore tout >> Pierre Sipriot - Montherlant sans masque -
Roro, vraisemblablement au Tuilerie, hiver 38-39
<< Depuis octobre 1941 Montherlant a rompu avec la famille N., "grossière, insolente, inintelligente". La 1, (c'est à dire édouard) dont Montherlant parle toujours au féminin (comme de toutes ses conquêtes) ne me laisse aucun regret. Il n'en est pas de même de la 2 (Robert) avec qui je ne m'ennuyais jamais.">>. Pierre Sipriot - Montherlant sans masque -
Montherlant reverra néanmoins la famille N. jusqu'au milieu de 1942.
<< "Fils de personne", il y a un roman de deux cent pages que Montherlant a voulu publier en 1942. Mais ce père et fils est le journal de sa vie difficile avec la famille N. à Nice en 1940 et 1941...>> Pierre Sipriot - Montherlant sans masque -
On retrouve des échos des heurts entre Montherlant et Doudou à la fin de leur relation dans la pièce Demain il fera jour.
Quant à Roger Peyrefitte il "quittera" Roro pour Jacques de P. Mais c'est une autre histoire...
Doudou sur les bords de Seine, été 39?
P.S.
1-Je remercie chaleureusement J.P. de C. qui m'a fait découvrir ces photos inédites d'Egermeier et qui m'a permis de les publier sur mon blog.
2-Je les ai légendées avec des extraits de plusieurs ouvrages racontant l'aventure amoureuse de Roger Peyrefitte et d'Henry de Montherlant avec Roro et Doudou...
3- Par le biais de mon e-mail personnel un fidèle lecteur, Guillaume van der Molen m'envoi ce commentaire: << Enfin, pour avoir une idée des deux frères nous ne dépendons plus seulement des remarques de Sipriot. On trouve des images de Roro et Doudou dans "Paysage des Olympiques" de Montherlant aux pages 6 et 7 de l'album (Doudou selon moi aussi aux pages 3, 4 et 11 et Roro aussi page 79). Grand merci au propriétaire de ces photos d'avoir voulu les partager avec nous ! >>. Grâce à ce judicieux commentaire sur lequel je suis entièrement d'accord, on s'aperçoit que Sipriot s'est trompé le footballeur de l'album Montherlant n'est pas Doudou mais un autre garçon dont la photo est en haut de la page 10 du Paysage des Olympique, alors que celle où figure Doudou est en bas de la même page!
COMMENTAIRES LORS DE LA PREMIERE EDITION DU BILLET
On peut imaginer...les garçons encore de ce monde...
Dans le beau fauteuil empire, en septembre 1972,
Henri de Montherlant songea t il à Doudou ou Roro ... ?
S'ils sont encore de ce monde j'espère qu'ils me contacteront pour apporter leurs pierres à l'Histoire littéraire.
Bravo pour l'acuité de votre regard c'est en effet dans ce fauteuil que le 21 septembre 1972 Henry de Montherlant se suicida. Peut être qu'un jour un biographe inspiré partira de ce fauteuil pour nous raconter la vie étrange d'Henry de Montherlant qui a beaucoup joué avec les masques sa relation avec Doudou n'en est pas dénués, voulant être à la fois père, amant, mentor toujours en quête d'affection...
Ces photographies sont une extraordinaire trouvaille qui illustre et contribue un peu à l'histoire littéraire.
Cette histoire des relations des deux écrivains avec ces deux garçons était bien connue. Je n'ai fait qu'un montage de citations et d'extraits de textes qui se trouvent dans différent livres, tous assez facilement trouvable.
Amusant
Il serait bien de trouver la référence. Cela doit être Saint Robert. Sipriot étant moins niais.
Correspondance Montherlant / Peyrefitte
page 41, note signé RP
..."Quai Voltaire, où il habita après 1939, il ne reçut jamais aucun d'eux. Sa garçonnière, bien digne de ce nom; était rue de V."...
Rue de Verneuil, donc selon Sipriot
Encore merci pour ce superbe billet
merci pour cette utile précision que je vais inclure à l'instant dans le billet.