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Dans les diagonales du temps
21 mars 2020

Sous le signe de Mars de Claude Michel Cluny

  

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Comme vous l'avez peut être remarqué, je m'évite le ridicule de commenter les grands textes et réserve mes oiseuses critiques à mes contemporains, ce qui ne manque déjà pas d'audace quand il s'agit par exemple de Modiano ou de Rinaldi pour ne parler que des français. Mais je crois n'avoir jamais ressenti à ce point le péril d'outrecuidance qui me guette à critiquer un texte aussi parfait, aussi poli que ce « Signe de Mars » de Claude Michel Cluny.

Avant d'en arriver à ce que l'auteur nomme l'acte fondateur (C. M. C. est pourtant peu susceptible d'être enrôlé sous la bannière freudienne) qui, ne nous faisons pas d'illusions de nombreux lecteurs trouveraient scandaleux s'ils étaient capables de gouter la prose poétique et janséniste de l'auteur, Claude Michel Cluny en une vingtaine de pages nous expose sa philosophie de la vie. Le moraliste, chez lui, ne prend jamais congé, même dans ses transports amoureux: << La première loi morale est celle du consentement mutuel. >>. Il entre dans son attirance exclusive pour les corps jeunes un goût de la responsabilité.Son ton et l'élévation de son point de vue mettent Claude Michel Cluny dans la lignée du Montherlant de « La relève du matin » mais sans le prosélytisme moral de son ainé. Il faut dire qu'il chaut guère à C.M.C. de passer pour un maitre à penser, ne s'imaginant pas que la recette de son hédonisme raisonné puisse être transposable à autrui (il ferait, avec l'élégance de sa langue, son intransigeance hautaine et son dandysme de globetrotteur, néanmoins un idéal phare de la nouvelle réaction.). Puis vient l'évocation de son enfance, sans épanchement, C.M.C. n'aime pas plus l'être baveux et titubant qu'il a été, qu'il aime les autres enfants, pour arriver à la peinture de son adolescence. Les pages, d'une écriture magistrale, sur sa formation intellectuelle éclairent tous les tomes de son passionnant journal littéraire.

Ce récit autobiographiquese déroule pendant une jeunesse, à cheval entre l'enfance et l'adolescence, durant la Seconde Guerre mondiale. Si le titre n'avait pas déjà été pris par Augérias (sur lequel C.M.C a écrit), il aurait pu s'appeler: « Une adolescence au temps du Maréchal ».

Peut-être que le lecteur voulant découvrir ce beau livre ne devrait pas aller plus loin dans ce billet pour se ménager la surprise de la révélation qu'il contient?

« Sous le signe de Mars » est né de l'impérieuse nécessité qui s'est imposée à Claude Michel Cluny de dire que son initiation sexuelle a eu lieu en 1944, il avait alors 14 ans, et fut faite par un jeune soldat allemand âgé que de trois ou quatre ans de plus que lui, au milieu d'un champ de la campagne française. << Ennemi si beau et si douloureux, avait commencé de m'apprendre l'amour que l'on fait, et laissé pressentir celui que l'on donne; un désir impossible me serrait le coeur lorsque nous nous séparâmes, et c'était de l'aimer.>>. (expérience qui n'est pas sans rappeler celle que vit le héros du film « Pour un soldat perdu », on peut aller voir mon billet sur ce film: POUR UN SOLDAT PERDU de Roeland Kerbosch ). Le garçon était déjà Sereinement conscient de ses préférences sexuelles, et très épris d'un camarade un peu plus jeune que lui, qu'il appelle l'Aimé. Tout le livre illustre cette réflexion que l'on trouve dans « Le passé nous attend », page 78: << Nous passons notre vie à tenter de ressaisir ce qui, un jour de plus en plus ancien, nous fit naître à nous même.>>.

Comme semble-t-il tous les livres de Claude Michel Cluny (je ne les ai pas encore tous lus et je crains ce moment où j'arriverai à la dernière page du dernier livre qui me restait à lire de cet auteur, comme le naufragé s'angoisse à avaler la dernière bouchée de ses vivres de survie.) « Sous le signe de Mars » est une méditation sur le temps. Comme le résume très bien la dernière phrase du livre: << De la perte du bonheur naît l'invention du temps.>>.

Ce récit me conforte dans l'idée que nos qualités et nos penchants ne doivent rien aux contingences qui ne sont que les déclencheurs de nos désirs. D'ailleurs Claude Michel Cluny ne dit pas autre chose dans « Le passé nous attend » le tome VIII de son journal littéraire: << … Je note cela pour souligner l'attirance naturelle des teenagers pour leurs aînés, et pour réaffirmer que nos préférences sont inscrites en nous, chair et coeur, avant même toute influence sociale, religieuse ou morale. Je suivis ma nature qui pencha tôt vers l'amour des garçons plus jeunes que moi, lesquels me paraissaient plus désirables que les filles sana avoir jamais hésité sur son bien fondé tant cet élan inné participait des émerveillements de la vie. La jeunesse et sa grâce, le charme, les dons du corps, les épices de l'impatience et la confiance amoureuse chez celui qui acceptait d'être aimé, bref, la fascination pour les adolescents, ce que les japonais, si je ne fais erreur, nomment enjo kosai, me possédait alors que j'étais encore moi-même ado. Nos vrais passions sont innées et naturelles.>>.

L'autoportrait que dessine ce court et dense récit est celui d'un homme d'une singularité totale et d'une curiosité inextinguible. Le livre est un constant va et vient du particulier au général sans que jamais l'auteur n'abdique de sa spécificité. Les quelques lignes suivantes est tout le crédo de Claude Michel Cluny: << Je pressentais que la société s'oppose toujours au bonheur. Les déchirements d'ordre moral que Gide s'imposait me paraissaient privés de bon sens. Je n'avais – faut-il écrire « Dieu merci »? - aucune conscience religieuse, ne croyant pas à ce qu'on me racontait, et m'en suis bien trouvé. Je n'y voyais que des interdits et de mauvaises fables. Au contraire, la sexualité me parut très tôt une voie simple et naturelle pour aimer la vie, quel que soit le sexe de la personne qu'on désire; cela n'avait pas un rapport obligé à l'amour, ni que faire l'amour signifiât éprouver un sentiment d'amour. Sans avoir encore lu Lucrèce, ni éprouvé son conseil d'offrir ses jeunes charmes à plusieurs pour éviter les souffrances inutiles de la passion, la nature ne me portait pas vers l'exclusivité. Surtout, j'appris vite que cet amour de la vie n'entraîne pas le bonheur en récompense, mais prépare à une sagesse païenne. Aimer et être heureux d'aimer tient souvent de la gageure.>>.

 

Commentaires
M
Nous sommes sur la même longueur d'onde.
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M
assez d'accord avec vous. Il reste que le lynchage médiatique dont est victime Matzneff est abjecte et hypocrite. Il y a la dedans bien du sordide aussi. Quand à l'autre affaire à laquelle vous faites allusion elle est surtout pitoyable. Mais plus sérieusement elle devrait alerter l'opinion sur la volonté de la Russie de déstabiliser les pays occidentaux par tout les moyens même les plus inattendus.
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M
Ce qui me parait sordide dans leur histoire à tout deux c'est le facteur pécunier chez chacun. Lorsqu'on lit on écoute certains passages de Matzneff on a l'impression qu'il fait une grâce du haut de son Everest personnel de descendre au niveau des jeune prostitués pour la leur mettre. Ce n'est pas son recours à la prostitution que je condamne, le prostitution est bien utile et les prostitué(e) devrait avoir droit à la reconnaissance de chacun pour la difficulté de leur métier, mais l'attitude condescendante et méprisante de Matzneff envers tout ce qui n'est pas lui. Quand à la plaignante que je sache elle n'a pas fait don de ses droits d'auteur à une cause méritante, aide aux femmes battues par exemple sans compter que ce livre a renforcé et légitimé son pouvoir professionnel. C'est donc tout bénéfice pour elle. Il me semble que qualifier de telles manoeuvre de sordide n'est pas exagéré.
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I
Je n’ai pas encore lu Matzneff, ni d’ailleurs Claude Michel Cluny ce que je regrette … mais je vous donne entièrement raison. D’ailleurs je savais que ma comparaison ne tenait pas : elle se voulait plus provocatrice que sérieuse. En fait, les qualificatifs : "coucheries sordides" et "vengeance sordide" m’avaient un peu choquée ! À la réflexion, ces qualificatifs m’avaient semblé pouvoir être appliqués à toute histoire d’amour qui déplaît, pour une raison morale ou autre. Sinon pourquoi pas "coucheries sordides" ( et vengeance sordide ! ) pour Pâris et Hélène, ou pour Roméo et Juliette, Héloïse et Abélard, etc En plus, je n’avais pas compris que ces termes concernaient les petits prostitués de Manille, je pensais d’abord ou seulement à la demoiselle, puisque vous les opposiez à toute son histoire avec elle, aux "grands mots d’Amour" et au "Sublime".
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M
Lorsqu'on lit Matzneff, il y a tout de même des coucheries que l'on peut qualifier de sordides et surtout inconsciente à propos des très jeunes prostitués qu'il levait à Manille ce qui n'a rien à voir avec ses histoire avec sa dulcinée. C'est d'ailleurs à cause de ces histoires avec les jeunes garçons exotiques qu'elle s'est senti flouée; ce que l'on peut comprendre. Dans le cas de Cluny c'est lui qui a 14 ans et qui est visiblement en demande et le soldat à moins de 20 ans, ce qui n'est tout de même pas semblable au cas Matzneff. En outre il n'y a pas de coté financier dans cette relation. Ce qui est encore différent. Enfin Matzneff se met toujours en surplomb et ne se pause jamais la question de l'autre. Ce qui n'est pas du tout le cas de Cluny.
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