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Dans les diagonales du temps
12 mars 2020

La tragédie d'Hamlet de Shakespeare à la Comédie Française

  

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Un ponte se fait occire par son frère. Ce dernier s'empresse d'épouser la veuve et ramasse ainsi du même coup la galette. Le fils du défunt dans un songe a la révélation que c'est son oncle qui a assassiner son père. Il veut se venger mais par méprise. Il tue le bras droit de son oncle. La victime est en outre le père de sa fiancée.Le frère de cette dernière veut à son tour venger la mort de son père. Ca se terminera par une hécatombe!

Le ton de ce résumé, je vous l'accorde un tantinet trivial du Hamlet du grand William m'a été inspiré par le traitement qu'a infligé a cette immarcescible pièce, et pourtant elle en a déjà subi des avanies la bougresse, à la Comédie Française le metteur en scène anglais Dan Jemmett qui a eu la curieuse idée de transposer Hamlet dans un club house miteux d'un club d'escrime, que l'on suppose situé dans les parages de Londres dans les années 70. Tous les personnages sont des demi-sel cockney. Le roi ressemble à un maquereau de bas étage.Je rappelle que Shakespeare lui nous parle d'un drame à la cour du royaume de Danemark. D'abord parce qu'il se serait inspiré de faits historique qui se serait passé dans ce lieu et qu'ensuite le Danemark pour Shakespeare était alors un ailleurs assez méconnu tout en étant relativement près de l'Angleterre.

Le premier problème que le spectateur a résoudre face à cette mise en scène c'est que ce qu'il voit n'a aucun rapport avec ce qu'il entend. La tragédie a été traduite par Yves Bonnefoy. La traduction est en un français moderne mais qui n'évite pas les mots précieux. Le texte nous parle bien de royaume de Danemark, de chambellan, de roi, de rempart d'Elseneur et de spectre qui s'évanouit dans les brumes de la nuit scandinave et que voit-on une sorte de bouge râpé, tenu pour ce que l'on peut penser être un petit truand de l'east-end (curieusement nommé Claudius), joué par Hervé Pierre, qui ne cesse de distribuer des biftons à ses hommes de mains pour qu'ils accomplissent de basses besognes. Si on coupe le son on a le sentiment d'assister à une représentation d'une pièce de Pinter, dans un décor ultra naturaliste, avec pissotière au premier plan, aussi bien coté cour que coté jardin, comme les affectionne tant les scénographes britanniques. Ce sentiment est renforcé par le jeu d'Hervé Pierre qui joue à la perfection un personnage pinterien à moins qu'il se soit échappé d'un film de Stephen Frears. Le malaise est total car on voit bien que ses camarades, eux jouent du Shakespeare, certes dans des fripes achetées il y a plus de quarante ans à Carnaby street (Je ne sais si Jemmett est chauve mais il a systématiquement affublé tous les acteurs d'une improbable moumoute.) et dans un décor qui n'a rien à voir avec ce qu'ils racontent.

Cette représentation est excellente pour les neurones car si vous gardez yeux et oreilles ouverts, il vous faudra durant trois heures faire une constante transposition entre ce que vous entendez et voyez.

Si vous fermez les yeux vous entendrez Hamlet assez bien interprété avec néanmoins un Claudius un peu vulgaire et une Ophélie pas très bonne. Vous remarquerez, surtout au début, que les acteurs disent un peu trop vite leur texte, mais que l'on entend tout de même bien (ce qui est de plus en plus rare au théâtre). Vous apercevrez aussi, sans doute mieux sans l'image, d'une certaine hétérogènèité de la langue de la traduction qui passe de la préciosité à une certaine vulgarité alors que pourtant aucune action particulière justifie ce changement de registre. N'ayant pas suivi la pièce avec le texte sur genoux, je suis incapable de dire si cela provient de la traduction ou d'une modification de celle-ci par la mise en scène.

Enfin si vous regardez sans entendre (il y a moult moyens pour cela comme les boules Quies ou mettre sur votre appareil à musique un morceau de silence, si, si ça existe) vous pourrez écrire dans votre tête une pièce pleine de rebondissements à la manière de feu Pinter. Essayez de vous en souvenir lorsque vous serez rentré chez vous et la gloire théâtrale en ces temps de grandes disettes d'auteurs vous est ouverte.

Mais je subodore que vous voudrez profiter de vos 40€ et que vous serez tout ouïe et les quinquets écarquillés, vous aurez alors à surmonter une autre gêne pour entrer complètement dans la pièce celle de l'âge des acteurs. Podalydes a beau être un fringuant quinquagénaire le fait qu'il paraisse avoir l'âge de sa mère et celui de son oncle est tout de même troublant. Ce fait change totalement la perception de la pièce car on se demande ce qu'a pu faire Hamlet tout ce temps à part être béat devant son père. Je rappelle que pour Shakespeare, du moins dans les textes que l'on a à notre disposition, Hamlet est encore, un presque adolescent ou tout du moins un jeune homme à la recherche de lui même et de sa place dans la société.

La mise en scène et en partie le jeu des acteurs, font que l'anecdote de la pièce masque la question essentiel que pose cette tragédie: Etre ou ne pas Etre (que Dan Jemmett à la saugrenue idée de transformer en graffiti d'urinoir qu'Hamlet lit lorsqu'il est en train de pisser!). C'est à dire vivre en acceptant les contingences médiocres de l'existence ou choisir de mourir alors que la vie ne vous a pas encore souillé (mais comment admettre qu'un homme aussi chenu que celui que l'on voit sur scène interpréter le rôle d'Hamlet n'est pas eu déjà à faire des concessions à son idéal?).

La mise en scène a recours à d'autres fariboles que celle du graffiti dans les pissotières; nous avons droit aussi au suicide d'Ophélie par overdose dans les chiottes, à Polonius (Gilles David) qui en expirant s'affale sur un juke-box et déclenche un air de musiquette ou encore l'idée d'incarner le personnages de Rozencrantz par un ventriloque et son chien marionnette, Guildenstern, le problème c'est que l'acteur Elliot Jenicot (qui s'est déguisé en Alice Cooper) n'est pas ventriloque... et quelques autres « trouvailles » du même acabit qui émoustillaient peut être le bourgeois dans les années soixante dix (c'est raccord avec le décor) mais qui paraissent d'une totale ringardise aujourd'hui.

La grande interrogation que le spectateur doit avoir devant les agissements d'Hamlet est de savoir s'il est fou, s'il joue au fou, si c'est son entourage qui veut qu'il soit fou et essaye de la conduire à la folie. Toute la mise en scène de Dan Jemmett fait passer ce coeur de la pièce au second plan, aidé par le jeu de Podalydes qui reste dans le même registre du début à la fin.

Si cette pièce me touche particulièrement c'est que d'une façon éphémère j'ai partagé la vie et la couche d'un Hamlet. Je n'ai jamais su si ce garçon de 19 ans, l'âge que devrait afficher le prince de Danemark, et au physique idoine, était fou ou jouait à l'être. La société, elle, a rapidement tranché. Les prince de Danemark peuvent-ils vieillir?

Ce compagnonnage m'a fait penser qu'il serait peut être judicieux de monter un Hamlet avec un garçon d'une vingtaine d'années qui serait compatible physiquement et psychologiquement avec le personnage, un garçon qui ne serait pas forcement un acteur mais qui serait entouré par des professionnels...                      

  

beardbriarandrose: Pascal Adolphe Jean Dagnan-Bouveret, Hamlet et les Fossoyeurs

Pascal Adolphe Jean Dagnan-Bouveret, Hamlet et les Fossoyeurs

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